Jean-Pierre Fabre, 67 ans, ne se souvient pas de l’accident qui l’a conduit au service réanimation de l’hôpital. Un jeune homme a réussi au moyen d’une gaffe à lui tenir la tête hors de la Seine, où il était tombé. Intubé, plâtré il se retrouve pendant de longues semaines au service orthopédique.
Pour faire passer le temps, « je n’ai pas vu passer le temps. Je l’ai bien senti passer, par contre » il observe le microcosme hospitalier qui s’agite autour de lui à heures fixes. Le neurologue « déprimé de la vie », le chirurgien « elle dit "le chirurgien" comme elle dirait Dieu» et ses étudiants, le kiné sympa qui « mouille sa chemise encore plus que moi », l’infirmière et ses « délicatesses de brancardier » l’urologue pressé.
« Infirmières, aides-soignantes, médecins de tous acabits et – Dieu d’entre les Dieux dans cet Olympe en blouse- mon chirurgien de loin mon préféré. »
Penché sur le lit du convalescent, on trouve aussi le jeune policier chargé de l’enquête et qui continue ses visites même lorsque l’enquête est close, Camille, son sauveur, qui se prostitue pour payer ses études, une gamine de 14 ans qui s’intéresse à la signification des prénoms et lui emprunte son ordi pour consulter sa page facebook, son frère, sa belle-sœur qui le remet entre les mains de Dieu, son ami de jeunesse Serge qu'il vient de retrouver sur « potes de naguère ».
Marie-Sabine Roger choisit encore de s’intéresser à des gens simples, les voisins de palier, les gens que l’on croise au supermarché et qui avancent dans la vie sans bruit, sans faire de vagues. Son héros pose un regard interrogateur sur les pratiques de l’hôpital où le soigné est infantilisé. Il est soumis au bon vouloir du soignant et son intimité est bafouée.
Ce presque sexagénaire profite de cette parenthèse non voulue pour revenir sur ses souvenirs d'enfant, d'ado puis d'homme actif: "c'est peut-être la perspective de l'échéance qui pointe son museau, qui me donne envie de refaire le chemin à l'envers. Je dis ça comme ça, je n'en sais rien, je n'ai pas l'expérience. C'est la première fois que je suis vieux." Jean-Pierre a beaucoup d’humour et de dérision, il est grinçant parfois . Il aime sa petite vie tranquille de veuf en retraite et n’aime pas les intrusions qui l'obligent à transiger.
Une fois encore Marie-Sabine Roger, se démène et s’active pour rendre les gens plus heureux, ce qui manque cruellement à un de ces personnages peut se trouver en abondance chez un autre. Elle tisse des liens éphémères ou durables entre eux.
Un livre à glisser dans les tables de nuit des chambres d’hôpitaux et même dans les grandes poches des blouses blanches des soignants.
Bon rétablissement ne soigne pas mais il peut adoucir les plaies et les maux!
La brune aux éditions du Rouergue- mars 2012-
Le billet de Clara que je remercie pour le prêt.