La petite ville de Pluto dans le Nord Dakota se situe près d’une réserve d’indiens et c’est là que se côtoient les familles, Milk, Harp, Peace et Couts.
Ces quatre familles ont leurs destins qui se croisent et se lient depuis ce jour maudit de 1911 où une famille entière, à l’exception d’un bébé, a été décimée. Trois indiens qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment sont pendus par des fermiers blancs.
C’est dans les années 1960 que les descendants de ces familles vont prendre la parole pour éclairer cet évènement tragique et tenter d’en extirper sa part d’ombre.
Dans ce roman polyphonique, Evelina est la première à se livrer, elle est la petite fille de Mooshum qui a mystérieusement échappé à la pendaison. Ce grand-père est un homme haut en couleurs et dont les histoires édulcorées remplacent la télévision.
« Il portait des vêtements de travail de chez Sears, avachis et usés jusqu’à la trame, une paire de godillots en piteux état, et une casquette en coutil, même à l’intérieur. Ses yeux brillaient au creux de fentes profondes taillées dans son visage. La pointe de son oreille gauche manquait, ce qui lui donnait un air de guingois. Il était voûté et desséché, avec ça et là des mèches de cheveux blancs lui tombant sur les oreilles et dans le cou. De temps en temps quand il parlait nous apercevions la sombre pagaille de ses dents. »
Le juge Antone Bazil Coutts prend le relais de Evelina . Il revient sur l’épopée de ses ancêtres, les pionniers de la ville de Pluto.
« Les guides se repéraient à l’étoile polaire, et le groupe s’arrêtait, désorienté, lorsque toutes les deux- trois heures des brouillards givrants les environnaient. Quand les bœufs s’arrêtaient, les Buckendorf tombaient des traîneaux comme si on leur avait tiré dessus, et s’endormaient dans la neige. »
« Quand je regarde la ville à présent, qui s’amenuise sans grâce, je pense qu’il est bien étrange que des vies aient été perdues pour qu’elle soit créée. »
Se succèdent ainsi "à la barre" un certain nombre d'héritiers témoins de l'histoire individuelle ou collective.
Tour à tour les pièces de cette grande fresque s’achoppent, se superposent pour s'acheminer vers la vérité. Le passé répond au présent dévoilant la culpabilité et la peur qui ferment les visages et soudent les membres de la communauté.
Toute tentative pour parler du livre de Louise Erdrich ne peut être que réductrice tellement l’histoire est foisonnante et multicolore. Le poids de cette injustice portée par la petite ville de Pluto est magnifiquement mis en mots par l'auteure. Le difficile métissage qui gère les relations entre blancs et indiens est subtilement décrit. La polyphonie du roman nous fait faire parfois le grand écart entre les différentes voix. L'éclectisme du récit nous surprend et nous guide après moult détours vers la dernière voix, la dernière clef.
traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
Albin Michel- août 2010 -
Merci Clara pour ce vol de colombes.