John, mémoire-passoire et Ella, cancer en bandoulière, affichent un presque soixante au compteur de leur vie commune. Ils entrent dans la maladie et la perte d'autonomie à reculons et décident de faire un pied de nez à la mort en partant à bord de leur camping car le cherche-bonheur jusque la Californie en empruntant la célèbre route 66, la mère des routes.
Ces deux là m'ont fait une petite place à bord de leur véhicule et je n'ai pas hésité un instant.
Leur entourage, les médecins et leurs enfants, sont bien sûr hostiles à ce baroud d'honneur. Mais que risque t-on à cet âge avancé, dotés d'une santé précaire si ce n'est de mourir plus tôt?
Ella,la narratrice, jette un regard très lucide sur l'étape extrême de la vie, elle ne veut plus de médicaments, de soins intensifs et d'examens supplémentaires. Elle veut disposer de ses derniers moments de vie comme bon lui semble et associer son mari à cette démarche. Elle jette sa perruque au vent de la liberté, qui entre par intermittences dans le petit habitacle, lui donnant des frissons de plaisir retrouvé . Ce long périple les mène sur les chemins de leurs souvenirs, le film de leur vie se réembobine au rythme de leur voyage et grâce aux diapositives qu'ils visionnent le soir.
Le ton utilisé par Ella et relayé par Michael Zadoorian est très juste et intègre. Ella ne cache pas ses humeurs, ses douleurs, son agacement devant les absences répétées de John. Mais quoiqu'il leur arrive de fâcheux ou de dramatique elle ne se départ pas de son humour et de sa verve de conteuse.
Cet ultime projet n'est pas le fait de personnes insensées ou aliénées, pas non plus celui de personnes ayant eu une existence extraordinaire et fabuleuse et qui peuvent au soir de leur vie réaliser encore les rêves les plus fantastiques. " Je n'avais connu que la normalité. Ma vie était d'une extrême platitude." On sent l'extrême détermination d'Ella aiguisée par l'amour immense qu'elle porte à la vie et à son mari. Cette volonté chevillée au corps -ou plutôt au déambulateur- nous touche et nous partageons tour à tour le désarroi puis les bonheurs de ce couple ordinaire mais exceptionnel, qui décide de finir debout.
Une réflexion clairvoyante, une leçon d'abnégation, de courage et de dignité où le lecteur rend les larmes.
Merci Maela de L'ivresse des mots pour ton conseil avisé.
Traduction de Jean-François Merle
éditions Le fleuve noir - octobre 2010-
éditions 10/18 -octobre 2011-