Enrôlés dans la guerre d’Indochine par l’armée française, le capitaine André Degorce et le lieutenant Horace Andreani ont développés des liens forts nés dans l’enfer de Diên Biên Phu et les camps du Viêt-minh.
En ce mois de mars 1957, ils se retrouvent à Alger. Le vent a tourné, les captifs de hier sont aujourd’hui bourreaux. Leur façon différente d'assumer leur nouveau statut a raison de leur solidarité.
Où j’ai laissé mon âme ? met en scène trois personnages, trois hommes livrés à l’implacable vérité de la guerre, celle de la délation, des tortures, des massacres.
Dans cet huis clos qu’est la villa Saint Eugène à Alger le prisonnier Tahar colonel de l'ALN est celui qui semble le plus apaisé, il va serein vers une mort inéluctable .
« Il (Tahar) est immobile sur sa paillasse, comme dans les rêves du capitaine, mais il est si calme qu’on pourrait le croire assis dans l’ombre fraîche d’une palmeraie, à Timimoun où à Taghit, regardant par delà le mur crasseux les dunes onduler sous la caresse d’un vent tiède, absorbé dans la contemplation de choses douces et mystérieuses qui n’appartiennent qu’à lui seul. »
Le lieutenant de l'armée française Andréani s’est fait une raison et ne tergiverse pas devant son devoir. Il règle ses comptes avec sa conscience en s'abritant derrière les horreurs perpétrées par les membres de l'ALN. Il pense que chaque homme abrite le mal et la violence en son sein, la guerre ne fait qu'exacerber ce penchant naturel
Le capitaine Degorce est un homme tiraillé, écartelé entre ses responsabilités et sa conscience. Il se trouve en porte à faux par rapport aux membres de sa famille qui le porte aux nues, il se sent indigne de cette confiance.
« Il est capable d’élaborer des raisonnements complexes et de prendre des décisions. Il sait formuler et comprendre les données d’un problème, hiérarchiser des informations. Il sait concevoir des plans nécessitant l’élaboration de conjectures à moyen et long terme. Mais, bien sûr, quand il s’agit d’écrire une lettre aux siens, quelque chose d’autre est nécessaire, quelque chose qu’il a manifestement perdu. L’âme, peut-être, l’âme, qui rend la parole vivante. Il a laissé son âme en chemin, quelque part derrière lui, et il ne sait pas où. »
La lecture de Où j'ai laissé mon âme n'est pas une lecture facile. C'est une réflexion sur la torture par les tortionnaires eux-mêmes. Elle nous met au plus près des consciences tourmentées et suppliciées. Les corps se dénudent et les bourreaux entrent dans une danse macabre et douloureuse.
L'écriture de Jérôme Ferrari est à la hauteur de ce sujet difficile: puissante et énergique.
L'avis de Sylire et de Stéphanie sur Landibiblog.
éditions Actes Sud - août 2010