Après une enfance dorée au Vietnam, la famille de Kim Thúy fuit le régime communiste et s’exile avec d’autres boat people. Réfugiés d’abord dans un camp en Malaisie, ils atteignent ensuite le Québec glacial et enneigé mais accueillant et solidaire.
Ce n’est pas un récit linéaire, l’auteure suit plus le fil de ses pensées que la chronologie de sa vie. Un peu comme une vieille femme au cœur de son passé, l’évocation d’une personne ou d’un lieu la fait dériver vers un autre souvenir. De pensées en souvenirs, de sa jeunesse à sa vie d’adulte et du Vietnam au Québec, l’auteure égrène les différentes facettes de son existence tumultueuse.
Elle évoque la peur pendant le voyage avec les boat people :
« Le paradis et l’enfer s’étaient enlacés dans le ventre de notre bateau. Le paradis promettait un tournant dans notre vie, un nouvel avenir, une nouvelle histoire. L’enfer, lui, étalait nos peurs : peur des pirates, peur de mourir de faim, peur de s’intoxiquer avec les biscottes imbibées d’huile à moteur, peur de manquer d’eau, peur de ne plus pouvoir se remettre debout… »
Elle rend hommage à l’héritage maternel, à sa maman qui voulait arrimer solidement ses enfants à la vie : « Elle nous préparait, mes frères et moi, à devenir à la fois musiciens, scientifiques, politiciens, sportifs, artistes et polyglottes. »
Elle évoque avec tendresse la maladie de son fils Henri :
« Je n’ai pas crié ni pleuré quand on m’a annoncé que mon fils Henri était emprisonné dans son monde, quand on m’a confirmé qu’il est de ces enfants qui ne nous entendent pas, qui ne nous parlent pas, même s’ils ne sont ni sourds ni muets. Il est aussi de ces enfants qu’il faut aimer de loin, sans les toucher, sans les embrasser, sans leur sourire parce que chacun de leur sens serait violenté tour à tour par l’odeur de notre peau, par l’intensité de notre voix, par la texture de nos cheveux, par le bruit de notre cœur. »
Le premier livre de Kim Thúy est un éventail de textes courts, pudiques et sensibles où la poésie des mots nous invite à un voyage entre le pays natal et le pays d’accueil, entre l’histoire de sa famille et l’histoire du Vietnam. D’un naturel heureux et indulgent elle délivre des salves d’espoir et de beauté:
« Seuls autant qu’ensemble, tous ces personnages de mon passé ont secoué la crasse accumulée sur leur dos afin de déployer leurs ailes au plumage rouge et or, avant de s’élancer vivement vers le grand espace bleu, décorant ainsi le ciel de mes enfants, leur dévoilant qu’un horizon en cache toujours un autre et qu’il en est ainsi jusqu’à l’infini, jusqu’à l’indicible beauté du renouveau, jusqu’à l’impalpable ravissement. »
éditions Liana Levi - janvier 2010-