Ô vieillesse ennemie!
Je me suis un peu ennuyée au début de ce livre avec parfois l’impression de lire le Vidal (que je n’ai jamais ouvert en fait).
L’histoire commence par l’enterrement du narrateur. On découvre quelques bribes de sa vie et de celles des gens de son entourage. Et puis tout doucement se déroule la vie de cet homme : ses trois enfants, ses trois femmes, sa réussite professionnelle, son succès auprès des femmes, l’importance des ses années jeunesse auprès de son papa artisan horloger. A l’automne de sa vie l’homme fait le bilan de sa vie, de ses regrets, ses erreurs. Il a peur de vieillir, il perd peu à peu son énergie sportive, son succès auprès des femmes, il perd ses parents et ses amis et surtout il perd progressivement mais inéluctablement sa santé. C’est ce qui le mine le plus et l’empêche d’avancer.
« Et puis un jour, il s’était produit quelque chose d’imprévu et d’imprévisible : il vivait depuis près de trois quarts de siècle, et voilà que la phase créative, active de sa vie était révolue. Il ne dégageait plus ce magnétisme, propre au mâle en activité, il ne pouvait plus faire fleurir les joies masculines et il essayait de ne pas trop les regretter. Une fois tout seul, il avait cru un moment que les composantes manquantes allaient lui revenir pour le rendre de nouveau inviolable, réaffirmer sa maîtrise sur la vie ; que les prérogatives qui lui avaient été ravies par erreur lui seraient restituées, et qu’il pourrait reprendre sa vie où il l’avait laissée quelques années plus tôt. Or il semblait bien au contraire que, vieillard diminué comme beaucoup de vieillards il était entré dans un processus de rétrécissement, et qu’il lui faudrait en l’occurrence boire jusqu’à la lie le calice de ses jours sans but, jours sans but et nuits incertaines, témoin de sa dégradation physique irréversible, en proie à une tristesse incurable, dans l’attente, l’attente de celui qui n’a rien à attendre. C’est comme ça que ça marche se dit-il, et ça, tu ne pouvais pas le savoir. »
Pas une trace d’optimisme dans le roman de Philip Roth, aucun réconfort à trouver dans la sagesse, l’expérience ou l’amour des petits enfants. Il n’est question que de déchéance entraînant l'affaiblissement physique et moral puis la mort.
Un livre dévastateur mais très émouvant et profond où il est question d’échec, de maladie, de peurs et de solitude. C'est l’homme -n'importe quel homme- seul et nu face à son vieillissement et à sa mort.
Gallimard -novembre 2007-