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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 18:01

L'Art du chevalement par Phang

     Lorsqu’Orféo remonte le cheval Pigeon à la surface de la terre, après dix années passées dans la mine, ils arrivent dans un espace de verre et de lumière où trônent des statues de marbre et de terre. Pour ne pas être aveuglé par la clarté que le cheval ne connait plus, Orféo, son jeune guide lui a bandé les yeux. Dans ce dédale artistique le jeune mineur raconte à son ami équidé ce qu'il voit. Les statues s'animent et accompagnent l'homme et le cheval dans la visite du musée.


      Cette bande dessinée, commandée par le Louvre de Lens, met dans un face à face inédit l’univers du mineur et celui du sculpteur. Une grande documentation donne de la véracité au propos. Orféo est un néophyte qui découvre avec surprise et ravissement les chefs-d’œuvre exposés. Sa réflexion, ses questions permettent à l'auteur d'émettre quelques grands énoncés sur la genèse et la finalité de la création artistique. Cette rencontre fortuite est celle de deux mondes opposés, celui de l’ouvrier et celui de l'artiste ; ils s'enrichissent mutuellement et se découvrent de nombreuses affinités.  Dans les dernières pages, le vocabulaire de la mine et le lexique de l'histoire de l'art se dévoilent en une étonnante palette d’analogies.

  

     La bande dessinée, L’art du chevalement* a rempli son rôle de passeuse de connaissances. J’y ai appris beaucoup sur le travail des mineurs et l’histoire de l’industrie minière. Mais la partie didactique est envahissante et la part de fiction est trop réduite pour accrocher vraiment l’intérêt du lecteur.

     Les traits des visages, les couleurs choisies – une majorité de gris et de marron- donnent un ensemble d’une tristesse et d’une mélancolie infinie que démentent pourtant parfois les propos légers et coquins des statues.

      Une déception globale pour cette lecture trop copieuse et mal servie par le choix des coloris.

    

*"Chevalement: construction établie au-dessus d'un puits de mine, contenant notamment les installations nécessaires pour la descente et la montée de l'équipement et du personnel ainsi que la montée du minerai." 


éditions Futuropolis Louvre Lens- novembre 2013-

Merci à Babelio et à l'opération Masse critiquemasse critique dessin


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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 12:00

http://www.actuabd.com/IMG/jpg/Rue_de_S_une_1.jpg

      Trois amis, JP, Franck et Ivan, se retrouvent à bord d’un avion qui vole vers Londres. Ils seront accueillis chez Sandro et sa femme Annie pour quelques jours.

      Ces quatre hommes étaient membres du même groupe de musique pendant plusieurs années, ils ont partagé plusieurs concerts, plusieurs moments exaltants. La bêtise de l'un d'entre eux, juste au moment de jouer sur une grande scène prestigieuse, a fait capoter cette carrière prometteuse et aujourd'hui seul Sandro, le chanteur, en a fait son métier. Pas de regrets pour JP et Franck qui ont tourné la page mais Ivan et Sandro ont encore à vif leurs blessures anciennes.

        Cette apparence de retrouvailles joyeuses et bonne enfant va vite disparaître pour dévoiler une réalité plus heurtée et tendue sur fond d'évènement dramatique.

 

      Hasard dans le choix de lectures qui fait se succéder ces histoires d'hommes. Le fuyant de l'histoire est ici Ivan. Il est également le plus intéressant des quatre. Eternel adolescent, rongé par un mal être intérieur, il ne veut pas ou ne peut pas prendre sa vie en main.

       La mise au point entre ces hommes, qui se chambrent pour dissimuler leur tendresse et leurs émotions, est nécessaire. Les zones d'ombre et de nuit, qui entachent leur amitié, ont besoin d'être clarifiées. Le voyage sera salvateur pour Ivan qui a réussi à renouer le dialogue avec Sandro et à recréer une certaine complicité dans leur duo.

      Au début de l'histoire alors que le scénario est encore à ses balbutiements, les traits imprécis des visages n'aident pas à situer les différents personnages. Les planches monochromes, dans un beau choix de couleurs pastel et la passion de l'auteur pour la musique gomment ces petits défauts.

 

 

JPEG - 20 ko

 

  Une histoire très rock' n roll de quatre garçons dans le vent pour le challenge de Anne.

challengedesnotesetdesm

 

éditions Rue de Sèvres - septembre 2013 -


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5 septembre 2013 4 05 /09 /septembre /2013 15:00

   

      Une maman dépose pour "quelques jours d'été" son petit garçon de huit ans chez un couple de vieilles personnes. Dans cette maison qui sent bon "le gâteau tiède et le café au lait", l'enfant se familiarise timidement avec son nouvel environnement. Nourrir les lapins, s'initier à la pêche à la mouche avec "le muet", écouter "la vieille folle" conter des histoires de sorcières sont autant de découvertes et d'expériences inédites pour le petit garçon.

 

     Cette bande dessinée qui ne dure pas le temps d'une sieste à l'ombre du châtaignier est charmante et captivante. Ce sont nos yeux curieux et innocents de huit ans qui découvrent le bol de café du petit déjeuner, le dépiautage du lapin, les cancans ordinaires du voisinage.

     Ce fragment de vie semble avoir été flouté par les années, patiné par la vision attendrie de l’adulte. S'il reste encore le souvenir du dégoût devant l'assiette de lapin ou celui des cauchemars qui suivaient les histoires effrayantes de la vieille dame il subsiste surtout la souvenance émue de la bienveillance un peu brute des deux anciens. 

      Les dessins réalistes, en noir et blanc, placent l'objectif de Chabouté sur les traits des visages pour accentuer les sourires prévenants des adultes ou plus timides de l'enfant.

     Une histoire toute en discrétion et en délicatesse qui ne laisse que peu de place au fracas de l'annonce déconcertante que fera la maman à son retour.

     Une très belle bande dessinée frustrante de brièveté mais "je n'oublierai jamais le chuchotement des rivières"!

 

 

éditions Paquet- juillet 2004-

 

 


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29 avril 2013 1 29 /04 /avril /2013 19:07

Lulu femme nue, Tome 1 par Davodeau

lulu-2.jpg

 

 

"De ce qui est arrivé à Lulu, je ne peux vous raconter que ce que je sais".

     Après un énième entretien d'embauche qui ne tourne pas à son avantage, Lulu décide de ne pas rentrer dans son foyer où l'attendent pourtant Tanguy et ses trois enfants. Dans le petit hôtel où elle échoue elle partage la table d'une femme qui voyage pour son travail de représentante; cette femme enjouée lui propose de la déposer quelque part sur la côte vendéenne. 

 


        Lulu fuit la ville et sa vie où son quotidien n'est "qu'une extension du lave-linge ". Elle arrive à une étape charnière de son existence, celle où l'on commence à souffler car les enfants ont grandi. Elle regarde la ligne de son avenir et ce qu'elle voit ne lui plaît pas: un mari bourru, des enfants de plus en plus indépendants, une vie personnelle étriquée. Elle n'a pas d'espoir de trouver rapidement un travail après 15 années d'absence, alors il lui reste la fuite, l'évasion. 

     Je me suis de suite sentie en bonne compagnie auprès de Lulu, une femme d'aujourd'hui forte et fragile à la fois, aux aspirations légitimes. Il y a dans cette fugue la recherche d'un rêve et plus encore la recherche de soi. Un souffle de liberté flotte sur ce nouveau Voyage à Paimpol. Je pense que Lulu n'a pas prémédité cette escapade; cette liberté nouvelle à laquelle elle n'est pas habituée est vertigineuse et si elle se laisse porter par le hasard des premières rencontres elle prend ensuite elle-même les choses en main. 

     Il y a beaucoup d'humanité, de générosité et de solidarité dans ce beau roman graphique.

      Lulu femme nue où la parenthèse nécessaire celle que l'on doit préserver et s'octroyer sans culpabiliser.

 


Merci à Yvon dont j'ai noté le lien vers le roman de Dorothée Letessier.


Editions Futuropolis -novembre 2008 & mars 2010-


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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 10:50

  Un peu de bois et d'acier pour ce banc public que Chabouté installe au centre de ses dessins-vignettes, quelques planches de bois et quatre pieds chromés comme personnage principal de ses planches de papier. Il invite le lecteur à prêter un oeil malicieux mais attentif à ce banc qui peut se targuer d'accueillir toute une humanité bigarrée et éclectique.

     Le jeune chien est le premier à venir délimiter son territoire en pissant sur le pied suivi par le jogger qui profite de l'assise pour quelques étirements. Tout au long de la journée, des saisons vont se succéder, les fidèles, les de passage, les solitaires, les bandes de jeunes, le musicien qui espère un public, le sans domicile qui, sur ce banc, élira le sien, le représentant de la loi qui immuablement lui dresse procès verbal; il y a l'amoureux et celle qui le deviendra, il y a l'enfant qui fait ses premiers pas et la vieille dame que l'on aperçoit pour la dernière fois.

       Cet observateur zélé nous livre quelques tranches de vie, une succession de personnages qui s'ignorent, se craignent, s'éloignent, se rencontrent, se parlent, se sourient et se tendent la main. C'est tour à tour le banc des témoins et le banc des accusés.

       Chabouté n'utilise ni les mots ni les couleurs pour dire ce banc. Le noir pour les ombres et la nuit, le blanc pour la lumière et le jour, le silence pour le lecteur- spectateur ému.

       On se prend à attendre les visiteurs , à s'inquiéter si un habitué manque à l'appel, à regretter les pas pressés des indifférents et à sourire des amitiés et des amours naissants.

     Humour, tendresse et poésie pour dire, de manière implicite, les petits faits cycliques de la vie qui va, qui vient, qui passe.

 

Editions Vents d'Ouest - septembre 2012-

 

 

 

 

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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 15:12

 

Pourquoi-j-ai-tue-Pierre.jpg

     Olivier, enfant, passe ses vacances chez ses grands parents en Belgique et les accompagne quotidiennement à la messe. Il baigne dans un univers religieux où l'enfer est promis à ceux qui font de vilaines choses.

    Les parents d'Olivier sont agnostiques, prônent la liberté sexuelle mais ne s'opposent pas à leurs parents lorsque Olivier fait sa première communion.

      La famille d’Olivier rencontre Pierre, prêtre itinérant, et l’accueille en toute amitié.

"C'est un curé marrant. Il joue de la guitare pendant l'office, il a une belle voix, un gros ventre et une barbe de nain de jardin. Il est habillé en jean et chemise. C'est l'inverse du vieux prêtre à l'ancienne, sévère, en soutane."

     Pierre a des idées larges, tolérantes et fait l'unanimité auprès des trois générations. Il devient un ami, un oncle...

     Il propose au jeune Olivier de participer au  camp d’été qu’il anime. Olivier est heureux et fier de l’amitié et de l’attention que lui prodigue Pierre. Ce rendez-vous estival va devenir une habitude. Mais l’été de ses 12 ans, le prêtre, sous prétexte de se relaxer avant l’endormissement, propose à Olivier des massages bien particuliers...

     Olivier a 15 ans et campe pour la dernière fois à "joyeuse rivière". Sa vie prendra dès lors une tournure chaotique.

 

     Ce qui étonne et frappe dans l’histoire d’Olivier c’est le grand écart entre la vie de dévots pratiquants des grands-parents et le style « baba cool » et libertin des parents. Pierre, le curé, représente le trait d’union entre ces deux styles de vie, c’est un religieux avec une grande liberté d’esprit; il fréquente et aide des réfugiés politiques. Olivier lui voue une admiration sans limites: "Pierre, parmi tous ses dons, a celui de nous rendre heureux, par une simple tape sur l'épaule, par un petit sourire, un clin d'oeil... Tout le monde l'adore Pierre. Moi peut-être plus que les autres d'ailleurs-"

      Le piedestal sur lequel l'adolescent de 12 ans place Pierre, ne vacille même pas après cette nuit d'attouchements. Olivier accepte de garder le secret et d'oublier.


         Le texte autobiographique et les dessins d'Alfred font corps et se confondent pour vomir le souvenir de cette nuit d'été. Souvenirs après souvenirs, dessins après dessins, Olivier prépare la mort de Pierre pour se délivrer enfin de son cauchemar.

        Le sujet est dérangeant et troublant mais il est traité avec sobriété et pudeur par le narrateur qui ne stigmatise personne. La violence est dans le choix des couleurs ou dans l'agencement des dessins qui se désorganisent et se télescopent.

 

Editions DELCOURT - septembre 2006-


 

L'avis de Violette, la tentatrice.

 


     

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 13:14

les_amandes_vertes.jpg

 

    Les amandes vertes sont les lettres que s’échangent les réalisatrices de cette bande dessinée en 2008 lorsque Anaële part en Palestine pour huit mois. Delphine, sa soeur, restée à Liège, lui écrit régulièrement.

    Volontaire dans un centre de jeunes à Nazareth, Anaële est confrontée chaque jour à la lourdeur des contrôles: " J'ai d'abord dû traverser le checkpoint. J'avais l'impression de descendre dans les entrailles d'une bête. Après avoir montré mon passeport, traversé de nombreux couloirs, j'arrive dans un grand hangar. J'attends dans la file. A chaque fois que la lumière verte s'allume, trois personnes passent. Derrière le tourniquet il y a un détecteur de métaux...

- c'est l'un des endroits les plus ridicules au monde...

- oui, difficile d'imaginer plus absurde."

  Anaële met à profit son séjour au Moyen-Orient pour s'imprégner du quotidien des habitants, elle partage certains rituels lors des repas et fêtes, apprend un peu l'arabe et gagne peu à peu la confiance des palestiniens. Elle dispose d'un réseau amical très large qui l'accueille et lui fait découvrir la réalité crue et quotidienne du conflit: armes pointées, tours de contrôle, murs, barbelés et couvre-feux interminables. Elle revient très ébranlée du camp de réfugiés de Dheisheh:

« Dheisheh ressemble à tous les camps de Cisjordanie : un labyrinthe de ruelles étroites, des maisons en béton qui s’élèvent sur plusieurs étages et empêchent la lumière de passer, des graffiti, des posters de martyrs, des gens qui passent leur vie dans un lieu conçu pour être provisoire. »

   Les images éprouvantes et désolantes affectent Anaële qui contrebalance son propos avec humour et l'allège en mettant en avant la gentillesse, la chaleur et le sens de la fête des palestiniens.

   Elle souffre et s'insurge devant le fatalisme de ces gens qui trouvent normal les exactions faites à leur encontre. "Tu ne pourrais pas comprendre" lui lance son ami Majdi qui exprime ainsi le fossé qui sépare nos deux histoires, nos deux cultures.

 

     Delphine et Anaële Hermans conjuguent leurs talents - le dessin pour la première l'écriture pour la seconde- pour réaliser une BD émouvante. Le trait est naïf mais révèle des dessins explicites qui portent bien les propos réalistes et troublants.

    Il ne faut pas chercher dans Les amandes vertes des réponses claires ou didactiques au conflit israélo palestinien. C'est un regard sans préjugé ou parti-pris d'une jeune européenne sur un conflit complexe et interminable. Cet ouvrage est un bel hommage aux volontaires qui oeuvrent pour aider les populations victimes des luttes armées, aux quatre coins de notre planète.

« C’est ça aussi les voyages ; rencontrer des gens qu’on ne reverra pas mais qui nous bouleversent… »

     Les amandes vertes Lettres de Palestine a été récompensé par le prix Médecins sans Frontières 2011 aux rendez-vous du Carnet de voyage.

 

éditions Warum- janvier 2011

 

Je remercie les éditions Warum et babelio 

 



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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 10:56

ignorants-.jpg

    Étienne Davodeau, auteur de bandes dessinées, aime le vin mais ne sait rien du long processus nécessaire avant que le précieux breuvage ne coule dans son verre

        Richard Leroy est vigneron, il exerce son métier avec l'amour et la perfection du passionné. Il ne lit pas beaucoup de bandes dessinées  et ne connaît pas le monde de l'édition.

         Ces deux amis posent sur la table de leur ignorance une année entière pour échanger leurs connaissances et entrer dans leurs domaines respectifs. A la fin de l'année, le dessinateur/scénariste sera un bon amateur de vins, le vigneron un lecteur éclairé et critique de bandes dessinées. Le but de cette rencontre, de ce partage n'est pas d'inverser les rôles, nous ne sommes pas dans un remake de "on a échangé nos métiers", mais un souci d'altruisme qui tient de l'amitié et du respect. Étienne et Richard ont eu le courage de la déstabilisation en se glissant dans des situations inconfortables et méconnues.

      Ces existences parallèles étaient faites pour se rencontrer et les analogies qu'ils relèvent entre leurs deux métiers sont nombreuses:

"- La barrique est un très bon outil de vinification. Mais il ne faut pas que son bois marque trop mon vin. Je cherche disons...une neutralité active et bienveillante, tu vois?

- C'est comme le papier qu'on a choisi pour mes derniers bouquins en couleurs. Il est un peu ivoire. Il fausse donc mes teintes. mais c'est ce que je veux et je l'anticipe."


     On parcourt la France, du Jura à la Corse en passant par le bordelais et Saint Malo pour rencontrer les vignerons, goûter du vin, explorer les salons de bandes dessinées, une petite incursion en Belgique pour rendre visite à l'imprimeur. On a le droit de ne pas aimer certains bons vins de préférer des petits vins moins chers; on a le droit de ne pas goûter le style de certains dessinateurs, encensés pourtant par la diaspora des bulles.

        Richard n'est pas un viticulteur lambda, il va jusqu'au bout de ses convictions, écoute la nature et reste au plus près d'elle; il utilise la biodynamie qui privilégie les calendriers lunaire et planétaire, les macérations naturelles. Il produit un vin bio mais refuse de poser l'étiquette AB sur ses bouteilles "...moi, je veux que les gens viennent à mes vins uniquement parce qu'ils les aiment"

     Le dessin est bien maîtrisé, toujours à hauteur d'homme. Le trait précis et réaliste ne s'embarrasse pas de couleurs.

      A déguster lentement, le garder longtemps en bouche afin d'exhaler toute la convivialité de ce bon cru.

ignorants 3

 

éditions Futuropolis- octobre 2011-

 

D'autres avis chez Choco.



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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 15:18

un-homme-est-mort.jpg

    Un homme est mort est l'histoire du conflit ouvrier qui secoue la ville de Brest en 1950.

     Pendant la seconde guerre mondiale, les allemands font de la ville de Brest un site naval important. De ce fait, la ville finistérienne subit des bombardements destructeurs et  massifs.

      La reconstruction de la ville blanche est un lent processus qui nécessite une main d'oeuvre nombreuse. Une population cosmopolite se met à l'ouvrage; des baraques collectives sont érigées pour loger les ouvriers et leurs familles.

     Au printemps 1950, de nombreux ouvriers se mettent en grève pour réclamer "du pain et du lait" pour leurs enfants. Le 17 avril se produit l'irréparable, les renforts de policiers tirent sur la foule des manifestants et tuent le jeune Edouard Mazé.

 

      Les auteurs de cette bande dessinée ne se contentent pas de montrer la violence des affrontements, la détermination des ouvriers et l'hypocrisie des politiques. Au delà de l'hommage rendu à cet homme innocent, à la lutte ouvrière, cette bande dessinée met en exergue le film réalisé,à cette période, par le cinéaste René Vautier. Avec très peu de moyens techniques, et aidé de quelques volontaires, il va sur les chantiers en grève présenter le film tourné pendant les évènements tragiques. Pour donner plus de force aux images, le poème de Paul Eluard " Un homme est mort"  rythme les différents plans.

    En focalisant leur livre sur le film de René Vautier, les auteurs ajoutent de la force à leur récit qui devient un témoignage poignant. La touche d'émotion est procurée par 'Ti Zef  lorsque René Vautier, victime d'une extinction de voix lui laisse la charge de lire le poème d'Eluard. Avec ses propres mots, il va déclamer un texte bouleversant où il dit toute sa rage et son chagrin.

     "Et puis y'avait Jézéquel, y'avait Kerdoncuff, y'avait Le Guen et Kerdraon... et Momo l'algérien aussi, qui comprend peut-être pas bien le français mais qui sait ce que c'est que les mots "justice" et "liberté"!

    Etienne Davodeau a le dessin réaliste et précis, les couleurs rouges et ocres peignent la lumière de la nuit avec pertinence. On ne sait plus si on est dans la bande dessinée ou dans le film.

    Un homme est mort se termine par un dossier complet qui permet d'approfondir nos connaissances et donne la parole aux témoins de cette page historique brestoise.

    

éditions Futuropolis - octobre 2006-

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 13:03

journal-bipolaire.jpeg

 

Bande dessinée

Emilie Guillon, Patrice Guillon et Sébastien Samson

Postface du Docteur Christian Gay

 

 

« Quelque chose en moi ne tourne pas rond »


      Rien ne distingue Camille des autres jeunes de son âge. Elle aime sortir et voyager, elle s’investit dans ses études et elle est complice de Chloé sa sœur jumelle avec qui elle partage un logement à Bordeaux. Lors de son séjour au Québec elle lie une idylle avec Julien. Celui-ci supporte mal le retour de Camille en France et le lui fait savoir. Cette pression déstabilise Camille et la fait douter. Elle s’abrutit dans la préparation de ses examens pour éviter de trop penser à Julien et à son impossible retour au Québec. Elle connaît une première crise d’angoisse qui évolue peu à peu en dépression. Le quotidien de Camille va alors se fixer sur son mal-être et se transformer en une spirale infernale ; elle enchaîne les séjours en hôpitaux, les entretiens avec les psychiatres, les tentatives de suicide et l’abrutissement avec l’alcool ou la drogue. Le psychiatre mettra enfin un nom sur sa maladie : La bipolarité (ou troubles maniaco-dépressifs).

  bipolaire TN 7

      Journal d’une bipolaire est un récit auto bibliographique écrit à quatre mains par Patrice Guillon et sa fille Emilie qui souffre réellement de cette maladie. Le message de l’auteur est clair : par le biais de cette BD, il souhaite faire connaître et accepter la bipolarité comme une maladie à part entière, dédramatiser son impact sur le malade et ses proches en mettant en avant l’importance du diagnostic et de la thérapie adaptée.

     L’écriture directe et simple nous met au plus près de la dépression de Camille. Le propos est réaliste et sans fards, la chronologie du récit nous fait plonger dans le quotidien déstabilisant et décourageant de la malade. On la suit dans la révélation et l’acceptation de sa bipolarité où la volonté n’est pas synonyme de guérison. On partage la souffrance et le désarroi des proches déconcertés par les humeurs changeantes de Camille, les phases maniaques succèdent aux phases dépressives avec parfois des moments de sursis, de stabilité relative.

     Le tracé des personnages est sobre, minimaliste, presque naïf mais les traits des visages laissent transparaître la force les émotions.

     Une bande dessinée courageuse pour nous interpeller et changer notre regard sur une maladie dérangeante.


La boîte à bulles - septembre 2010.

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