Danses de guerre. Un homme découvre que ce qu’il croyait être un insecte caché dans l’orifice de son conduit auditif est le symptôme d’une tumeur au cerveau. Son passage obligé dans les services médicaux lui rappelle les derniers instants de son père avant que le diabète et l’alcool ne l’emportent à tout jamais.
« J’ai pensé à la vie de mon père : il avait six ans quand son propre père a été tué à la Seconde Guerre mondiale. Puis sa mère, atteinte de tuberculose, est morte quelques mois plus tard. A six ans, mon père était vidé, détruit. Sous maints aspects, il n’a jamais cessé d’avoir six ans. Il n’existait aucune religion, aucun tour de magie, aucune chanson ou danse capable d’aider mon père. »
La ballade de Paul Néanmoins. Traumatisé par les accouchements de sa femme, Paul ne peut plus imaginer coucher avec elle ; il drague de belles inconnues dans les aéroports. Nostalgique des années 60, il vend des vêtements vintage et ponctue tous ses états d’âme de références musicales. « Il y avait des codes à respecter : un homme repoussé par une belle inconnue doit chanter de la blue-eyed soul ; un homme grisé par la solitude des incessants voyages en avion doit chanter du Mississipi delta blues ; un homme qui cherche à se venger doit siffler la bande-son du "Bon, la brute et le truand"; un homme dont le père et la mère sont morts à trois mois d’intervalle doit chanter « Oklahoma ! Oklahoma Okay ! » de Rogers et Hammerstein. »
Sel. Un jeune stagiaire du journal Spokesman-Review se retrouve à faire la rubrique chronologique de sa chef décédée d’un cancer.
« - Pourquoi moi ? demandai-je au rédacteur en chef. C’était un ventre à pizzas et à bière monté sur un manche à balai.
- Je ne sais pas, répondit-il. C’est ce qu’elle voulait.
- Mais je ne la connaissais même pas.
- C’était un drôle d’oiseau.
J’aurais aimé qu’il m’explique la différence entre un drôle d’oiseau et un oiseau normal ? Mais c’était un blanc dépourvu d’humour qui détenait le pouvoir ? Tandis que je n’étais qu’un jeune indien des réserves et un stagiaire. On m’admirait peut-être pour ma ténacité liée à mon ethnie, mais on me tolérait à peine pour mon arrogance liée à ma jeunesse. »
J’ai beaucoup aimé deux nouvelles du recueil : Danses de guerre et Sel. Le narrateur est un indien Spokane dans les deux cas, tout comme Sherman Alexie, l’écrivain, qui a grandi dans la réserve du même nom.
Le ton est persifleur, la parole ironique et sarcastique. Les nombreux dialogues donnent beaucoup de vivacité et de mordant au récit qui aborde des sujets graves (le racisme, les ravages de la drogue, la maladie, la parentalité).
Mais ce livre m’a paru déroutant tant par la forme que par le contenu. Je suis restée en marge de certaines nouvelles (le fils du sénateur), déboussolée par les « poèmes » intercalées entre les récits. J’ai trouvée sa poésie inachevée, brute et dispensable.
Terres d'Amérique, Albin Michel - février 2011-
Merci aux partenaires: BOB et les éditions Albin Michel.
L'avis de Hélène.