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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 16:00

suite-a-un-accident-fottorino.jpg

      Eric Fottorino est un usager, comme tant d’autres, qui prend le métro chaque jour, avec indifférence, lassitude ou agacement. Les faits divers successifs de trois « accidents graves de personnes » attirent son attention, bousculent son quotidien et étayent sa réflexion d’usager. C'est le fruit de ces pensées qui alimentent ce court récit d'une soixantaine de pages.

       Ces morts violentes sont banalisées par la SNCF qui se sent impuissante à enrayer cette escalade mortifère. Elles sont banalisées sur certains forums de discussion où les internautes crient leur dégoût pour ces volontaires de la mort, qui les retardent pour se rendre au travail, à leur rendez-vous... Elles ne font pas une ligne dans les journaux et sont banalisées par notre société moderne soucieuse de rentabilité qui n'a ni le temps ni l'envie de s'arrêter sur ces détresses et ces drames.

      C'est cette inhumanité et cette indifférence qu'interroge Eric Fottorino. Pourquoi cette tragédie, cette vie saccagée ne déclenche-t-elle pas l'empathie, ne débride-t-elle pas l'émotion des voyageurs?

       Avec précision et justesse, le texte de Fottorino percute le lecteur comme le fait le train lancé à grande vitesse. On n'est pas forcément préparé à recevoir ces mots en pleine figure et ils font mal à notre tranquillité, à notre société, à notre existence.

 

Editions Gallimard - février 2013-

 

Ce roman fait partie de la sélection du Prix des lecteurs 2014 du télégramme


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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 20:00

Mon petit homme de Pierre

 

 

 

       Pierre-Yves Le Nan est encore tout petit lorsqu'on lui diagnostique la fibrodysplasie ossifiante progressive (F.O.P.) dite "maladie de l'homme de pierre" car ce terme est plus parlant pour expliquer ce second squelette qui poussée après poussée douloureuse s'installe dans le corps de l'enfant.

       La vie ordinaire bascule alors dans l'extraordinaire car l'évolution progressive, rapide et invalidante de la maladie touche le cœur même de la famille. La maman va démissionner de son travail pour devenir une maman "mille professions", la jolie maison familiale va être louée et la nouvelle sera aménagée de façon à anticiper la perte d'autonomie de Pierre-Yves.

 

             L'auteur, le père de Pierre-Yves, décrit la mise en œuvre  matérielle, financière et humaine nécessaire pour faire face au bouleversement de leur existence. Il va falloir être sur tous les fronts et les 24 heures de la journée ne suffiront pas pour gérer le quotidien et mener le combat. Il n'y a pas de guérison possible et les médicaments pour soulager cette maladie rare sont réduits à des prises de corticoïdes. L'espoir de la famille Le Nan se place dans la recherche et "l'association Pierre-Yves" va se démener pour réunir des fonds. En parallèle à cette implication totale dans le soutien aux chercheurs, les parents, aidés par Anne-Sophie la grande sœur, vont faire preuve d'inventivité et de pugnacité  pour aider Pierre-Yves à réaliser ses passions, à vivre ses rêves et à approcher le plus possible la normalité de la vie d'un ado.

          Il y a beaucoup d'humour dans le ton employé par l'auteur, sans doute la meilleure arme pour ne pas se décourager devant l'ampleur de la tâche. Beaucoup de dérision aussi pour relater la lutte et la résistance engagées contre certaines administrations, contre un grand ponte de la recherche (qui s'avèrera véreux) ou pour dire les simples regards soupçonneux du voisinage.

         Je retiendrai, outre ce combat exemplaire et plein d'espérance, la magnanimité et l'altruisme de cette famille qui, malgré l'adversité, ouvre grand les portes de leur ti kozh à Henvic (Finistère-Nord) et, de manière très symbolique, décide un beau jour de ne plus rabattre les rallonges de la table ovale du séjour!


      Mon petit homme de Pierre a accompagné le basculement de l'année 2013 dans la suivante et nul doute que mon souvenir de ce début d'année sera étroitement lié au visage, au courage, au combat de Pierre-Yves aidé et relayé par son père.

Voilà maintenant cinq ans que Pierre-Yves - 21 ans- est décédé.

 

 

 

éditions Skol Vreizh - avril 2012-


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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 15:30

 

  " Le sac à dos modifie le regard d'autrui."

      Donner à un livre le qualificatif de livre de vacances est toujours très subjectif et inhérent à ce que nous mettons derrière ce mot spacieux et prometteur. On ne cherche pas tous la même chose pour la parenthèse estivale.

    Mes vacances basques, elles, se sont accordées avec les lentes pérégrinations du voyageur Jean-Paul Kauffman.

      Le journaliste/écrivain décide de marcher à contre-courant en flirtant sans cesse avec la Marne. Il préfère avoir Paris dans son rétroviseur plutôt que dans sa ligne d'horizon et se dirige à pas comptés vers le plateau de  Langres où la Marne prend sa source. L'auteur connaît bien cette région, mille fois traversée pour rejoindre les deux pôles familiaux: des marches de Bretagne à l’Alsace.
     "Le village d'Aÿ m'est familier, mais je le vois à présent sous un jour différent. La voiture qui permet d'accéder promptement au cœur d'un village, ne met en mouvement que le cerveau; manqueront toujours le toucher, le contact physique, cette friction de la plante des pieds du talon avec le sol, sans lesquels l'expérience de la vie immédiate est incomplète. Les orteils palpant la surface de la croûte terrestre nous renseignent mieux que la tête sur la consistance des choses."

       Sac à dos bien ferré, le pèlerin décide d'avancer à son rythme épousant celui de la rivière; les sens en éveil pour s'imprégner du paysage sonore et olfactif. Quelques étapes amicales sont prévues mais l'inopiné et les rencontres fortuites font aussi partie du programme. 

    Monsieur Kauffman met au service de cette marche toutes les connaissances livresques engrangées depuis de longues années. Chaque méandre, chaque lieu-dit, chaque étape est prétexte à revenir sur un fait historique, un élément toponymique, une incursion dans la vie socio-économique ou tout au moins une pensée philosophique.

         Le randonneur arpente ainsi le "dos" de la capitale; la France qui survit bouche ouverte pour ne pas étouffer, celle qui s'est détournée depuis longtemps des politiques et de leurs vaines promesses et ne compte plus que sur ses propres forces. 

    "J'ai vu des villages que la vie avait apparemment désertés: maisons barricadées, devantures abandonnées, trottoirs défoncés. Des affiches annonçant une réunion, un voyage, un collectif de lecture, une manifestation indiquaient que la communauté n'était pas morte. Derrière l'apparence défensive se terre un monde invisible. Une autre vie agit à l'intérieur par le seul mérite du don, du bénévolat, de la solidarité."

        L'auteur est un grand érudit qui jamais ne lâche prise. Les références historico-littéraires priment sur les sensations et les émotions du baroudeur.  Cette distanciation n'entache pas le récit qui demeure un beau cheminement de lecture.

 

 

Editions fayard - mars 2013-

    

 

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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 11:39

 

      Jeanne Fayard se glisse dans l’enfance et l’adolescence de Camille Claudel explorant un versant de la vie de l’artiste moins connu du public.

   Camille est une enfant volontaire, têtue et passionnée. Elle s’affronte quotidiennement à sa mère qui est très à cheval sur les convenances et qui  supporte mal de voir cette fille aînée s’épanouir dans des activités de sculpture, art qui lui semble si mineur . Grâce au soutien inconditionnel de son père, pourtant peu présent pour sa famille, Camille réussit à mener ses projets et à rencontrer Alfred Boucher qui lui présentera quelques années plus tard Auguste Rodin.

         Ce livre a le mérite de dépeindre l’artiste pour elle-même et non pas comme la muse, l’amour d’Auguste Rodin ou l’artiste folle et internée. Cependant, ce livre n’a pas emporté mon adhésion car il lui manque le souffle, la fièvre de l’écriture qui sied si bien à cette artiste, à cette femme rebelle et résolue.

 

Riveneuve éditions-mars 2013

 

 

  Merci à babelio et à Riveneuve éditions pour cet ouvrage.

 

 

 

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 11:30

 

étoile cheveux noirs

     Un homme, la soixantaine, entreprend un pèlerinage original: un retour aux sources de son enfance.

     Chevauchant la vieille mobylette bleue de son père il trace une ligne entre le Nord Finistère, où il réside, et les montagnes de l’Isère où vit sa maman.

     Laissant derrière lui les lueurs sécurisantes du phare de l’île Vierge il roule vers la lumière de l’étoile aux cheveux noirs. Cette étoile a aujourd’hui 84 ans et est confrontée aux soucis d’un nouveau déménagement: l'immeuble qui renferme quarante années de sa vie de mère, d'épouse, de femme va être démoli et rasé.

     Ce lent voyage est nécessaire pour se recueillir, rassembler ses souvenirs , dire sa mère avant de la retrouver. Alors ce voyageur patient prend son temps, multiplie les haltes pour lui ou sa monture d’une autre époque, au risque d’arriver trop tard au rendez-vous.

"Te perdre, c'est le risque que je prends à vouloir suivre la marche lente des collines."


     La traversée du pays est balisée par les souvenirs, les images qui lui reviennent par bribes: une mère courage aux nuits écourtées par les pleurs de l’un ou l’autre des quatorze enfants, une mère chagrin et inconsolable lorsque la mort emporte trois de ses enfants, une mère vindicative pour dénoncer "la retraite famélique" de son mari, une mère nostalgique de la vie en Algérie, sa patrie, une mère besogneuse devant sa machine à coudre, prévoyante et nourricière lorsqu'elle remplit les placards de victuailles ou prépare la panse de brebis farcie et les gâteaux à la semoule.

      "Boîtes de sucre entassées, paquets de thé, dont personne ne viendra à bout. ton congélateur empli jusqu'à la gueule. Du beurre pour une colonie, du sel pour la mer Morte, de l'huile pour les beignets, les sardines, les boulettes de viande."

       Son fils la cherche dans les paysages traversés, il assemble et met bout à bout ces morceaux de vie pour réaliser un portrait patchwork de sa mère.

   « Je connais si peu de toi finalement. La cuisine, les tâches ménagères. Mais quoi d’autre ? L’essentiel et le doux, le bon et le tendre ?

    Sa mère n’a fréquenté l’école que pour y faire le ménage, et les missives de son fils écrivain restent sans réponses. "Moi qui passe mon temps à remplir des pages, je ne peux t’en destiner aucune ligne, aucune salve de mots que tu liras seule, en tête à tête avec moi, et non par l’intermédiaire d’un tiers ".  

     Ils se connaissent peu, ne se comprennent pas toujours et ne partagent pas la même culture. Mais l'amour qui les unit se moque des mots et des paroles, il est intérieur et se révèle dans chaque mouvement de leur vie, dans chaque page de leur histoire.

     "Tu me diras, je t'attendais, je t'attends toujours, écoute-moi un peu, c'est peut-être une des dernières fois".

      Après avoir écrit Avec tes mains en hommage à son père, L'étoile aux cheveux noirs complète l'histoire familiale de l'auteur. C'est très émouvant de découvrir, à son tour, le portrait de la mère, femme digne qui donne une image respectueuse, d'elle et des siens, des deux côtés de la Méditerranée.

      Un récit pudique empreint de tendresse et d'affection; le tour de France d'un fils à la recherche de sa famille à travers le prisme maternel.

 

Le billet de Clara.

 

Editions la brune au ROUERGUE - novembre 2011 -

 

 


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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 10:47

la-mort-de-ma-mere.jpeg

   Quand l’auteur arrive à Granville où l’attend Marie, sa fille, il sait que les heures de sa maman sont comptées. La vieille dame a quatre vingt huit ans et une santé fragile qui se dégrade encore à la suite d’une chute. Une nouvelle infection, la fièvre, la difficulté à respirer nécessitent l’hospitalisation. Hagard et déboussolé le fils suit l’ambulance.

    Pendant les quelques heures qui suivent, désemparé mais lucide il convoque sa mémoire et s’adresse à sa maman. Les souvenirs auréolés de l’amour maternel se partagent les pages avec le babil silencieux, la respiration sifflante.

   A minuit, c’est le silence qui le réveille…

   "J'ai embrassé sa joue et retrouvé sa main. Mais pas le moindre signe. Pas un battement de cils. Pas un frémissement. Son regard tout étale semblait s'être échappé dans un autre horizon."


   Le titre est froid et sans équivoque, il sonne comme le glas dans un long matin de brouillard et de givre. Pourtant l’auteur se fait poète délicat pour écrire le bout extrême de la vie.

   Ce fils unique est extrêmement attendrissant dans son souci de bien préparer le départ de sa maman. Avec attention et délicatesse, il choisit les vêtements de la défunte, les textes de la cérémonie, les photos et les fleurs coupées qui ornent le petit guéridon.

   Un récit bouleversant et universel, un bel hommage à l’amour maternel et un doux au revoir à une maman qui part sous une pluie de petits papiers, poème déchiré, comme autant de mots d’amour à emporter dans l’au-delà.


éditions Buchet.Chastel - février 2009 -

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 09:51

autre-fille.jpeg

     L’autre fille est la lettre qu’écrit Annie Ernaux à sa sœur disparue et dont elle découvre l’existence alors qu’elle a déjà une dizaine d’années.Cette révélation tardive et cruelle est un coup de tonnerre dans la vie d’Annie Ernaux  car accompagnée d’un « elle était plus gentille que celle-là ». Lorsque sa maman, qui s’entretient avec une voisine, lâche le morceau  Annie joue à proximité et est le témoin incrédule de l’épanchement de sa mère. C’est par ses cousines qu’elle apprend les détails du drame : Ginette alors âgée de 6 ans décède d’une diphtérie en 1938.

   Annie viendra remplacer l’absente quelques années plus tard. Ses parents souhaitent un enfant unique et donc si Annie naît c’est uniquement parce que Ginette meurt.

 

     « D’après l’état civil tu es ma sœur. Tu portes le même patronyme que le mien, mon nom de « jeune fille », Duchesne. (…)

     Mais tu n’es pas ma sœur, tu ne l’as jamais été. Nous n’avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t’ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t’ai jamais vu. »


     C’est pour répondre à une commande des éditions Nil qu’ Annie Ernaux écrit ce récit épistolaire. Elle dit sa douleur d’enfant placebo, le poids du silence qui entoure cette mort et ses parents qui la voient à travers le prisme de la sœur disparue.

    Après avoir lu plusieurs ouvrages autos bibliographiques de l’auteure dont La place qui m’a beaucoup marquée, j’ai pris plaisir à retrouver un environnement familier : Lillebonne, Yvetot, le café épicerie... J’ai eu l’impression de renouer avec des gens perdus de vue.

     L’écriture est toute en retenue et en délicatesse. Un récit bouleversant qui vient des profondeurs pour dire le traumatisme. On imagine l’auteure  se faire violence pour extraire ces mots et penser (panser) l’absente.


éditions Nil collection les affranchis - mars 2011.


merci Mirontaine pour cette belle missive.


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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 17:46

danbé

    Danbé, dignité dans la langue malinké, est l’histoire de Aya Cissoko (33 ans aujourd’hui); elle y raconte sa courte vie grâce à la plume de Marie Desplechin, auteure-écrivain.

    Son papa Malien arrive en France dans les années 1960 à la faveur de services de l’immigration peu regardants. Lorsque Massiré sa femme le rejoint quelques années plus tard, ils s’installent dans le XXe arrondissement de Paris. Deux garçons et deux filles naissent, Aya est la seconde.

    Sagui le père et Massou la petite sœur meurent dans l’incendie criminel de leur immeuble. Moussa le petit frère, le rayon de soleil de la famille est foudroyé quelques mois plus tard par une méningite.


    Comment continue t-on à se lever le matin, à faire les menus gestes quotidiens, à vivre tout simplement lorsque les drames à répétition s’acharnent sur vous ?

    Aya Cissoko livre avec pudeur et retenue cette rage, ce découragement mais aussi cette force née de la résilience. Elle nous dit sa maman courage qui épreuves après épreuves se bat pour ses convictions et par amour pour ses enfants. Elle est peu prolixe sur les combats de boxe où elle acquiert une certaine notoriété grâce à son talent. Elle se livre du bout des lèvres comme si elle ne voulait pas trop se mettre en avant et ne pas en rajouter.

    Le portrait de cette jeune femme est celui d’une battante volontaire, déterminée et farouche. Elle se cherche et se trouve à force d'obstination et portée par la confiance de sa maman. 

 

   Malgré la grandeur d'âme que je prête à Aya, je ne me suis pas beaucoup investie dans cette lecture. J’ai regardé Aya combattre tout au fond des gradins sans jamais trembler pour elle ou les siens.

    Un récit de vie qui arrive peut-être trop tôt dans la vie d'Aya.


éditions calmann-lévy - février 2011-


merci à BOB et aux éditions Calmann-lévy




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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 00:00

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            L'enfant de la rue sans peur ni reproche.

 

     Lorsque la maman de Birahima meurt  le jeune garçon de 11 ans n’a d’autre alternative que de  prendre son pied la route  pour rejoindre sa tante au Libéria.

« C’était ma tante, ma tutrice, qui devait me nourrir et m’habiller et avait seule le droit de me frapper, injurier et bien m’éduquer ». C’est Yacouba  le multiplicateur de billets  qui l’accompagne dans ce qui devient un long voyage initiatique et dangereux. Yacouba a fait fortune dans l’exportation de colas grâce aux pots de vin versés aux douaniers. Ruiné après la grève des dockers à Dakar, Yacouba se reconvertit en marabout fabricant d’amulettes porte-bonheur. Il fait miroiter l’espérance d’une vie facile et dorée au Libéria.

« Là-bas, les enfants de la rue comme moi devenaient des enfants-soldats qu’on appelle en pidgin américain d’après mon Harrap’s small soldiers. Les small-soldiers avaient tout et tout. Ils avaient de l’argent, même des dollars américains. Ils avaient des chaussures, des galons, des radios, des casquettes et même des voitures qu’on appelle aussi des 4 x 4. J’ai crié Wahalé ! Wahalé ! Je voulais partir au Libéria. Vite et vite. Je voulais devenir un enfant-soldat, un small-soldier ».

     Le périple qui les mène au village de la tante Mahan, tutrice de Birahima,  va les mettre face à la réalité des guerres tribales avec son lot de meurtres, pillages, viols, tortures, famines…

 

     Birahima est le narrateur de cette épopée africaine qui se déploie en Sierra Léone et au Libéria. L’enfant a hérité de quatre livres: le Larousse, le Petit Robert, l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et le dictionnaire Harrap’s. Il cherche ses mots et les explique au lecteur. Il mélange le français et l’africain, il truffe son propos d’expressions et de proverbes, de leitmotivs et de jurons.

     C’est un livre cru et bouleversant. Seul le ton détaché,  ironique et insolent du narrateur nous permet de continuer notre lecture. Birahima a besoin de pauses dans son écriture,  « Aujourd’hui ce 25 septembre 199… j’en ai marre. Marre de raconter ma vie, marre de compiler les dictionnaires, marre de tout. Allez vous faire foutre. Je me tais, je dis plus rien aujourd’hui… » et nous de pauses dans notre lecture pour comprendre et assimiler l’Afrique des dictateurs et des fétichistes, des complots, de la corruption, du cannibalisme et des parricides.

    J’ai été heurtée de plein fouet par la violence, la férocité, la sauvagerie de cette histoire. C’est un témoignage lucide et réaliste d’un enfant soldat sur la vie des small-soldiers. Ces enfants orphelins sont armés de kalachnikovs, le haschich supplée les repas souvent frugaux, ils dorment à même le sol après des journées entières de marche ou de combats. Ils pillent, volent et tuent mais sont surtout les premières victimes de la barbarie guerrière et de la cupidité des dictateurs sanguinaires.

     Ce livre, édité en l’an 2000, résonne avec force dans l’actualité africaine de ce début d’année 2011. C’est une lecture nécessaire pour connaître et dénoncer la situation insoutenable des enfants-soldats, le mépris et les massacres dont souffrent les populations ethniques africaines.

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     Cette lecture entre dans le cadre du blogoclub du mois de mars  qui avait l'Afrique pour thème. Merci Sylire et Lisa pour l'organisation de cette lecture commune.

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13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 13:09

images-copie-1.jpeg

 

 

 

Devinette : Quels sont les points de rencontre entre des œuvres littéraires et les élèves d’un lycée professionnel ? Réponse : il n’y en a pas ou très peu… à moins que le professeur de français ne soit Alain Chopin.


EXTRAIT

Monsieur, ce passage, je ne le comprends pas comme vous.

   J’avais dans l’idée de donner accès à mes élèves, ici, une classe de dessinateurs industriels, quinze garçons, trois filles, à la mythologie grecque, à travers des textes plus récents, plus proches d’eux, comme Antigone d’Anouilh ou, cette fois- là, la guerre de Troie n’aura pas lieu de Giraudoux. Et puis, à la lecture en classe, déception, ça me paraît vieillot. Je me dis, ça va pas le faire. C’est trop marqué par l’époque : 1935. Ca date. Je leur parle de la seconde guerre mondiale qui éclatera quelques années plus tard. J’essaie de faire le rapport avec la pièce. Bon, c’est froid, ça démarre pas. Ennui. Regards vers les montres ou les portables. Une main se lève quand même. C’est Ludovic. Je me dis, ça y est, il va me dire qu’il a terriblement mal à la tête, qu’il doit aller chez l’infirmière d’urgence. Mais non. Monsieur, ce passage, page 132, de la scène VIII de l’acte 2 je ne le comprends pas comme vous. Il lit : « Aux approches de le guerre, tous les êtres secrètent une nouvelle sueur, tous les évènements revêtent un nouveau vernis qui est le mensonge. Tous mentent. »  Vous nous avez parlé de la seconde guerre mondiale, mais moi, je pense à la guerre en Irak. Tous mentent. Bush voulait la guerre, il avait décidé la guerre. Après, il a trouvé des prétextes, il a menti, sur les armes de destructions massives… Un autre élève lève la main, intervient, le débat s’engage, un échange de paroles vraies, l’heure est oubliée, l’infirmière aussi. La pensée circule, des poèmes d’Homère à la guerre en Irak en passant par Giraudoux. Je suis heureux.

 

   Dans ce livre Alain Chopin, enseignant en retraite, revient sur les belles rencontres qui ont jalonné sa carrière. Il n’est pas resté dans le carcan imposé des programmes et des préparations, il s’est mis à l’écoute de ses élèves. Il a su par sa posture bienveillante leur donner confiance, leur faire découvrir l’estime de soi, afin que chacun et chacune de ces adultes en devenir retire quelque chose de positif et de constructif de ses années lycée.

   Un livre à lire, à relire ( à voix haute), à offrir, à oublier, à retrouver…

 

Editions dialogues- mai 2010.

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