Bjarni, ancien éleveur de brebis dans la région du nord de l'Islande est un vieil homme en fin de vie (ce n'est pas moi qui le dit c'est la petite bergeronnette). En ce mois d'août 1997, il sort de la maison de retraite dont il est maintenant pensionnaire pour s'installer pendant quelques semaines dans une chambre qui offre une vue sur des lieux familiers et emplis de souvenirs. Ce retour aux sources ravive des émotions et attise les images du passé. Deux amours ont façonné la vie simple de cet homme: sa passion d'éleveur de moutons et son adoration pour Helga, maîtresse de la ferme voisine et femme hypothétique de Hallgrímur. Bjarni est marié avec Unnur, femme revêche et frustrée qui souffre de son infécondité et agonit son mari de reproches.
La vénération aveugle de Bjarni pour les ovins, son ardeur et son enthousiasme à palper les bêtes, manipuler leurs toisons se mélangent sans cesse avec son désir charnel pour Helga. Cet amalgame bestial donne à leur relation une brutalité, une trivialité. " Te voir nue dans les rayons de soleil était revigorant comme la vision d'une fleur sur un escarpement rocheux. Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle. La seule chose qui me vienne à l'esprit est l'arrivée de mon tracteur Farmall." Bjarni en convient alors son propos "rase les mottes" mais ça ne l'empêche pas de continuer "Mais... pour ce qui était de faire l'amour, tu n'étais pas à la remorque."
A l'instar d'autres lecteurs de cette lettre je ferai de l'épistolaire pour vous dire Bjarni que je vous ai trouvé indolent et lâche. Vous cachiez votre faiblesse derrière les panses rebondies des brebis et dans votre emploi de contrôleur des fourrages. Vous pratiquiez l'autosatisfaction qui vous faisait oublier Unnur et son désarroi, Helga et ses attentes. Vos envolées poétiques alternant avec vos paroles crues m'ont fait sourire mais je n'ai pas vu l'once d'un regret, d'un repentir. Je n'ai vu que votre égoïsme et votre ingratitude envers ces femmes à qui vous n'avez donné en temps, en tendresse et en amour que le quart de ce que vous consacriez à vos chers moutons!
La lettre à Helga aurait pu s'élever pour devenir un magnifique témoignage de la vie rurale islandaise dans les années 50. La lettre à Helga aurait pu s'emballer et devenir un hymne à l'amour passionnel et réciproque. La lettre à Helga dit l'amour de la terre, de son pays, l'ancrage des racines plus fortes que l'amour, le sacrifice de l'homme et de la femme pour préserver un idéal de vie. La lettre à Helga est un fameux mélange des genres: elle puise dans les effets poétiques revient au parler leste et licencieux, conte des anecdotes réalistes et truculentes.
Mais je suis restée à distance de cet élan amoureux, dubitative et sceptique quant à la sincérité de cette confession.
Je remercie les éditions Zulma et Oliver l'organisateur des matches de la rentrée Price Minister-Rakuten.
Je note d'un 13/20 cette lecture.
Lecture commune avec Midola
éditions Zulma - septembre 2013 -