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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 06:00

      Bjarni, ancien éleveur de brebis dans la région du nord de l'Islande est un vieil homme en fin de vie (ce n'est pas moi qui le dit c'est la petite bergeronnette). En ce mois d'août 1997, il sort de la maison de retraite dont il est maintenant pensionnaire pour s'installer pendant quelques semaines dans une chambre qui offre une vue sur des lieux familiers et emplis de souvenirs. Ce retour aux sources ravive des émotions et attise les images du passé. Deux amours ont façonné la vie simple de cet homme: sa passion d'éleveur de moutons et son adoration pour Helga, maîtresse de la ferme voisine et femme hypothétique de Hallgrímur. Bjarni est marié avec Unnur, femme revêche et frustrée qui souffre de son infécondité et agonit son mari de reproches.

 

   

     La vénération aveugle de Bjarni pour les ovins, son ardeur et son enthousiasme à palper les bêtes, manipuler leurs toisons se mélangent sans cesse avec son désir charnel pour Helga. Cet amalgame bestial donne à leur relation une brutalité, une trivialité. " Te voir nue dans les rayons de soleil était revigorant comme la vision d'une fleur sur un escarpement rocheux. Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle. La seule chose qui me vienne à l'esprit est l'arrivée de mon tracteur Farmall."  Bjarni en convient alors son propos "rase les mottes" mais ça ne l'empêche pas de continuer "Mais... pour ce qui était de faire l'amour, tu n'étais pas à la remorque."

     A l'instar d'autres lecteurs de cette lettre je ferai de l'épistolaire pour vous dire Bjarni que je vous ai trouvé indolent et lâche. Vous cachiez votre faiblesse derrière les panses rebondies des brebis et dans votre emploi de contrôleur des fourrages. Vous pratiquiez l'autosatisfaction qui vous faisait oublier Unnur et son désarroi, Helga et ses attentes. Vos envolées poétiques alternant avec vos paroles crues m'ont fait sourire mais je n'ai pas vu l'once d'un regret, d'un repentir. Je n'ai vu que votre égoïsme et votre ingratitude envers ces femmes à qui vous n'avez donné en temps, en tendresse et en amour que le quart de ce que vous consacriez à vos chers moutons! 

   La lettre à Helga aurait pu s'élever pour devenir un magnifique témoignage de la vie rurale islandaise dans les années 50. La lettre à Helga aurait pu s'emballer et devenir un hymne à l'amour passionnel et réciproque. La lettre à Helga dit l'amour de la terre, de son pays, l'ancrage des racines plus fortes que l'amour, le sacrifice de l'homme et de la femme pour préserver un idéal de vie.  La lettre à Helga est un fameux mélange des genres: elle puise dans les effets poétiques revient au parler leste et licencieux, conte des anecdotes réalistes et truculentes.

     Mais je suis restée à distance de cet élan amoureux, dubitative et sceptique quant à la sincérité de cette confession.


Je remercie les éditions Zulma et Oliver l'organisateur des matches de la rentrée Price Minister-Rakuten.

Je note d'un 13/20 cette lecture.

Lecture commune avec Midola

 

éditions Zulma - septembre 2013 -


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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 11:08

 

voleurs-de-manhattan.jpg

 

    Ian Minot partage sa vie entre son job de serveur au Morningside Coffee, l’écriture de nouvelles et sa relation avec sa petite amie Anya d’origine roumaine. Mais alors que le livre d’Anya semble être sur de bons rails pour être édité, Ian continue de recevoir des lettres de rejet décourageantes et vexantes: "Bonne chance pour placer ça ailleurs gros naze, disaient les lettres de refus." C’est la rencontre avec Jed Roth l’homme confiant qui va éclaircir son avenir. A  l’encontre de ses principes, Ian accepte le marché que Roth lui met entre les mains : la réécriture de son livre le voleur de manhattan refusé quelques années plus tôt par l'éditeur.

 

     Les voleurs de Manhattan démarre par cette rencontre entre deux hommes frustrés et va peu à peu installer le scénario de la vengeance pour l'un, du succès littéraire pour le second. L'idée de départ est de remanier la fiction refusée et d'en faire une autobiographie, genre très en vogue chez les éditeurs new yorkais. 

    Adam Langer trempe sa plume grinçante et acérée dans le monde de l'édition et égratigne toute la chaîne littéraire du petit écrivain méconnu aux gros prédateurs que sont les maisons d'édition en passant par les agences littéraires et les obligatoires séances de dédicaces. On ne s'éloigne jamais du monde des livres, des shows médiatisés et leur côté ostentatoire où il est de bon ton de s'afficher, dernier best-seller en main. Les impostures, plagiats, mensonges et autres entourloupes sont l'apanage de la littérature contemporaine selon Langer.

    Mais les voleurs ne sont pas seulement à poursuivre dans ce monde mensonger et sournois du monde de l'édition. Adam langer nous envoie beaucoup plus loin car le livre dans le livre (rappelez-vous l'autobio remaniée) nous envoie sur les traces d'un manuscrit précieux le Dit du Genji . L'écriture satirique du début évolue pour devenir thriller dans la seconde: une course poursuite dangereuse et palpitante.

     Les voleurs de Manhattan est un livre plein d'humour proposant une histoire à multiples tiroirs, un entrelac de fiction et de réalité dans lequel le lecteur s'amuse, se perd et s'y retrouve. Les références littéraires sont pléthore, l'auteur crèe un glossaire drôle et réjouissant. Exemples:

cheshire, n.m.: sourire joyeux et malicieux qui semble dissimuler un secret, d'après le chat du Cheshire dans Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll.

daisies, n.f. pluriel: dollars, argent. D'après Daisy Buchanan, personnage du roman Gatsby le Magnifique, de F. Scott Fitzgerald. Jay Gatsby remarque à son sujet: " Sa voix est pleine d'argent".


Le billet de Constance


Un seul claquement de doigts de votre part suffirait à le faire voyager.


éditions Gallmeister- février 2012-


Logo-News-Book-150x39.png

Merci Newsbook, merci aux éditions Gallmeister que je découvre avec ce titre.

 


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10 novembre 2011 4 10 /11 /novembre /2011 11:01

rocher montmartre

   Yanne Charbonneau travaille dans une chocolaterie humide et vieillotte à la Butte Montmartre. Elle s’y est installée avec ses deux filles : Anouk, l’enfant de l’été, qui découvre les tourments de l’adolescence et Rosette, enfant de l’hiver qui, à presque quatre ans, souffre du cri-du-chat;  elle ne parle pas et  se déplace, de préférence, à quatre pattes. 

   L'arrivée de Zozie, perchée sur des chaussures rouges à talons de sucre d'orge, dans le quartier apporte un souffle de fraîcheur et d'excentricité à la petite chocolaterie qui devient "Le rocher de Montmartre".

   Zozie devient très vite indispensable pour la petite famille. Son originalité et sa fantaisie raniment et développent le petit commerce de Yanne qui se réinstalle aux fourneaux avec enthousiasme.  Zozie noue une relation privilégiée empreinte de complicité énigmatique  avec Anouk.  

   Les clients, chaque jour plus nombreux, guidés par les effluves du chocolat chaud font maintenant un détour pour jeter un coup d’œil sur cette vitrine alléchante et n’hésitent pas très longtemps avant de pousser la porte: " l'exquise odeur du chocolat chaud, des pâtisseries fraîches, des biscuits et des macarons, sans parler, bien sûr, de l'arôme enivrant des truffes amères, des chocolats à la liqueur, à la fraise, à l'abricot ou aux noix sont des invitations auxquelles il est bien difficile de résister".

   Tout semble enfin sourire à Yanne; elle va bientôt dire oui  à Thierry, le propriétaire de la chocolaterie, et espère trouver dans ce mariage la sécurité et la stabilité qui lui manquent.

    Mais la venue de Roux, le vagabond nomade, ami de Yanne et d’Anouk, les pouvoirs et les ambitions de Zozie l’intrigante ne vont-ils pas contrarier ce bel équilibre ?

 

     Il y a quelques années le parfum et la magie de Chocolat m'avait fascinés. Je me suis laissée tenter par Le rocher de Montmartre comme par une gourmandise que l'on ne peut refuser.

   Joanne Harris choisit le quartier de Montmartre pour animer anciens et nouveaux personnages. "Montmartre, l'étrange petite île de pierre avec ses touristes et ses artistes peintres, la puanteur de ses caniveaux et ses mendiants, ses cabarets et ses clubs de strip-tease sous les tilleuls et, toutes les nuits, les règlements de compte au couteau le long de ses jolies rues pittoresques".

    Grâce aux compétences et à l'habileté des femmes, la petite boutique banale et anonyme va répandre ses lumières et ses odeurs de fête sur la Butte. Les clients vont devenir des amis et révéler leur meilleure facette. Le lecteur aussi se régale et croque avec plaisir dans toutes ces friandises.

    Zozie réussit à faire l'unanimité dans le cercle des habitués de la chocolaterie, mais elle ne cache pas au lecteur son passé d'usurpatrice et ses desseins maléfiques. 

     En alternant les confidences de Yanne, de Zozie et d'Anouk, en injectant une dose de sorcellerie et de magie noire, Joanne Harris fait monter la pression et l'inquiétude. On s'attend à une fin magistrale et époustouflante.

     Mais l'explosion de la piñata ne libère pas la cascade de couleurs et d'étincelles que j'attendais. Les personnages, réunis pour la fête du réveillon, restent fades et passifs et n'apportent pas leur contribution au dénouement heureux. J'espérais un déploiement de rebondissements, un lot de surprises... Je ne vais pas dire que je suis restée sur ma faim - dans cet antre dédié à la gourmandise, vous ne me croiriez pas - ... mais sur la fin certainement!

   

Chez POINTS - novembre 2009 -

 

pinata.jpeg


Les "piñata" éclataient en choeur le 8 novembre chez Soukee, L'or des chambres, Mango et Tiphanie.

Ici, elle aura mis un peu plus de temps!


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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 15:21

les-vaches.jpeg

    Katariina, ingénieure  de travaux en Estonie, ne jette pas un regard derrière elle lorsqu’elle suit son futur mari en Finlande. L’Estonie est alors, depuis le début de la seconde guerre mondiale, sous l’emprise du joug russe et la vie en Finlande représente un affranchissement certain pour les estoniens. De cette union finlando-estonienne naîtra Anna, le personnage central du premier roman écrit par Sofi Oksanen.

   Ne pas dévoiler ses racines, ressembler aux finlandaises, parler le finnois, refuser les relations avec les expatriées estonniennes sont les obsessions de Katariina et elle veille à les transmettre à sa fille:

«  Je devais devenir finlandaise. Je devais parler, marcher comme une Finlandaise, avoir l’air d’une Finlandaise, même si je ne me sentais jamais au bon endroit, en quelque sorte jamais à ma place, comme dans un manteau avec des manches de longueurs différentes et trop petit pour moi, dans des chaussures qui m’écorcheraient à chaque pas. »

   Pour l'école Anna invente des ancêtres finlandais et essaie de taire ses connaissances sur les méthodes soviétiques et l'occupation russe.

    La mère et la fille effectuent de nombreux allers-retours entre leur maison finno-finlandaise et la ville de Tallin -la capitale de l'Estonie. Les visites à la campagne pour aller voir la grand-mère sont plus rares et aléatoires car soumises aux "invitations" que certains membres de la famille refusent parfois de délivrer. C'est pourtant là que Anna nourrit ses racines familiales estonniennes .

     Adolescente, Anna développe des troubles du comportement alimentaire, elle devient boulimique-anorexique. Le comptage des calories, la préparation  d'orgies alimentaires sont alors sa principale préoccupation perturbant sa vie sociale et amoureuse et ses études.


      Ne vous fiez pas à la couleur rose de la couverture; le noir ou le rouge aurait mieux reflété l'ambiance de ce livre aussi froide et coupante que du verre. 

     Anna est sous la coupe de sa mère qui lui met la pression pour qu’elle devienne une vraie finlandaise. Les relations qui régissent la vie de ces femmes sont distantes et peu chaleureuses. A Tallin, Katariina ne relâche pas sa surveillance et même à la campagne Anna ne peut plus mettre les mini jupes - connotées filles de l'est-  qu’elle affectionne.  Katariina vit dans un pays capitaliste et riche, elle se sent redevable envers les siens et se charge de quantité de provisions à chaque voyage vers son pays d’origine. Il est difficile pour Anna de construire sa propre identité au coeur de cette ambiguïté.

     Il faut lire l'histoire d'Anna et de Katariina éclairée par l'Histoire tourmentée de l'Estonie. Il faut remonter à la seconde guerre mondiale et à l'occupation russe pour mieux comprendre la honte, le rejet de ses origines et les peurs de la mère.

   Le manque de linéarité, les allers-retours incessants entre les différentes époques, entre les deux pays et la narration qui passe de la première à la troisième personne créent un désordre et ne servent pas le lecteur. Je me suis plusieurs fois égarée dans l'arbre généalogique d’Anna. Il m'a manqué les repères spatio-temporels qui étaient présents dans Purge. Je me suis concentrée sur la vie d'Anna et de sa mère, occultant sciemment la génération précédente.

     Les vaches de Staline disent le gâchis des origines non-assumées et les souffrances endurées par une génération qui marquent en profondeur celles qui suivent.

    C'est un récit de grande envergure qui s'inscrit comme Purge dans une page incontournable de l'Histoire des pays baltes. Mais je n'ai pas trouvé ici le climat angoissant et le suspense qui m'avaient aimantée dans Purge.

 

La cosmopolite Stock- août 2011- 

 

price-minister.jpeg

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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 00:00

kittur

 

 

  Kittur est une ville imaginée par l'auteur et située dans le sud-ouest de l'Inde au bord de la mer d'Oman. C'est dans cette ville que  l'auteur a repéré et épinglé les 14 ombres de son recueil.  Aravind Adiga nous guide dans les rues de la cité comme le ferait un guide touristique. Mais foin des belles plages, des éléphants ou des saris multicolores, le touriste-lecteur s'assomme contre la misère, la saleté, la pauvreté, rebondit de corruption en débauche, de vols en attentats.

   Vous démarrerez votre périple à la gare et tomberez peut-être sur Ziauddin, "le petit garçon couvert de poussière" qui prépare le thé et sert les samosas sous l'oeil bienveillant d'un ivrogne.

   Vous continuerez par le port pour vous trouver à l’usine de brodeuses de chemises d’Abbasi qui résiste et refuse la corruption qui gangrène toutes les institutions.

   Une pause au Bunder pour un curry de crevettes et vous pourrez vous aventurer à Lighthouse Hill où Xerox vient de se faire arrêter pour copies illégales et vente des Versets Sataniques.

  Près des échafaudages de la cathédrale, George pense avoir trouvé sa princesse, une femme riche qui l'emploie pour démoustiquer son jardin.

   La rencontre avec la petite Soumya va vous serrer le coeur. Elle va, dans l’espoir gratifiant des câlineries de son papa, traverser la ville en traînant son petit frère pour mendier dans le quartier des riches et ramener la drogue dont son père à besoin.

 

   

   L'auteur nous donne à voir l'Inde multiple entre sous-développement et modernité: le désespoir du pauvre et la morgue du riche;

"Tu sais quelle est la plus grande différence entre les riches et les pauvres comme nous? Les riches peuvent commettre des erreurs encore et encore. Les pauvres , à la moindre erreur, ils perdent tout."

le système de castes qui perdure dans l'organisation de la société; le travail des enfants; la mendicité; le ravage de l'alcool et des drogues; la multiplicité des langues et des religions;

"A la lisière de la ville se dressaient, l’un après l’autre, un minaret, un clocher d’église, une tour de temple, comme autant de panneaux indicateurs pour signaler les trois religions de la ville aux voyageurs venus de l’océan. "

   Aravind Adiga écrit avec une grande précision comme s'il voulait compenser ainsi l'ignorance du touriste-lecteur de l'histoire et des coutumes de son pays. Le plan de la ville, la chronologie historique de Kittur et de l'Inde,le glossaire de fin de livre sont des supports nécessaires pour se glisser dans les 14 nouvelles.

   Je suis sensible à la façon originale dont l'auteur présente son recueil, il a mis beaucoup de soin à concocter pour le lecteur un lieu et un temps pour se familiariser avec l'Inde contemporaine. Il coule de ces 14 portraits l'authenticité et l'acuité d'un regard sans concessions qui cinglent avec force le lecteur.

 

éditions Buchet Chastel - juillet 2011-

traduit de l'anglais (Inde) par Annick Le Goyat.

 

Merci aux éditions Buchet Chastel et à Babelio.

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 21:50

trois-lumieres.jpeg

   Parce que sa famille va à nouveau s'agrandir, sa maman attendant un nouveau bébé,  une  fillette part pour l'été dans le Wexford irlandais chez un couple  qu'elle ne connaît pas, les Kinsella. Ce sont des gens protecteurs et attentifs qui vivent en harmonie avec la nature et le voisinage. Edna va former la petite fille aux  gestes simples du quotidien et à l'entretien de la maison, « nous coupons de la rhubarbe, préparons des tartes, peignons les plinthes, vidons le placard sèche-linge et aspirons les toiles d’araignée et replaçons les draps et les couvertures propres, préparons des scones, nettoyons la baignoire, balayons l’escalier, cirons les meubles, faisons cuire des oignons pour la sauce que nous mettons dans des boîtes au congélateur, désherbons les parterres et ensuite, quand le soleil baisse arrosons le jardin. »

    John va lui apprendre à se surpasser en améliorant chaque jour ses capacités en course à pied. Tout doucement la fillette se familiarise avec son nouvel environnement et y découvre bientôt le drame qui touche cette maison.

   Le temps d'illuminer l'été de cette petite fille "aussi farouche qu'une enfant gitane" et ce couple discret et généreux doit déjà se séparer d'elle.


   Voilà les vacances que l'on souhaite à tous ces enfants défavorisés qui doivent trop tôt délaisser leurs jeux et leur spontanéité pour seconder et assister des parents débordés ou irresponsables.

   Les Kinsella sèment quelques petites graines de bonheur et de tendresse dans l'esprit de cette fillette; en se développant, elles deviendront des souvenirs heureux où la petite fille pourra se ressourcer.

" Regarde, il y a trois lumières maintenant à l'endroit où il n'y en avait que deux.

Je porte mes yeux vers le large. les deux lumières y clignotent comme avant, mais une autre, constante, brille entre elles." 

    Malgré les joies simples, la sécurité des rituels et l'amour sans conditions de ce couple, l'atmosphère est pesante et les évènements passés emprisonnent les regards et alourdissent les silences. 

Les trois lumières fait la part belle au cheminement intérieur de cette petite fille qui,  avec candeur et gravité, fait ses premiers pas dans le monde des adultes.

   Un roman très court dont la subtilité est aussi à découvrir entre les lignes.


éditions Sabine Wespieser - mai 2011 -

 

 



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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 09:52

chienne-de-vie.jpeg   Bente, 42 ans, écrivain de la page blanche, échoue comme un bateau ivre sur un banc près de l'abribus. Elle n’a aucun projet, elle attend.

  Johnny le premier, verra le vide qui emplit Bente. Avec Cocotte, sa compagne, il propose à Bente de les suivre et de s’installer dans leur petite maison. Le jeune couple l’accueille avec simplicité, l’entoure de gentillesse. On déplie le canapé, on prépare des œufs au plat, on sort les grosses chaussettes de laine et le jeu de UNO si l’insomnie guette.

   Johnny et Cocotte n’attendent rien en retour, ils traitent Bente comme une invitée importante et avec discrétion l’intègrent peu à peu dans leur quotidien.

    Bente se débarrasse avec difficulté de son état d’errance et de léthargie ; elle ne semble avoir aucune maîtrise de sa vie, elle s’enlise dans la déprime.

    L’accident dont est victime Johnny agira comme un détonateur pour Bente, elle sort alors de sa réserve pour aider ses nouveaux amis.


    J’ai eu un peu de mal à supporter l’abattement de Bente, son manque de gratitude envers la chaleureuse invitation de ses hôtes, j'étais presque gênée pour elle. Je ne voyais pas en quoi cette personne neutre, assez insignifiante devenait rapidement indispensable et attachante pour Johnny et Cocotte.

   Après l'accident de Johnny, Bente retrouve un peu d’énergie - et moi avec elle- pour réaliser quelques gestes quotidiens, nourrir les chiens, rentrer le bois, visiter la vieille voisine...

   En tournant le dos à son passé, Bente s’accorde une parenthèse nécessaire pour se repositionner et créer une rupture avec sa vie antérieure. On referme ce petit livre persuadés que Bente a trouvé chez Cocotte et Johnny l'inspiration pour son nouveau roman.

Chienne de vie est l’histoire de femmes et d’hommes fragilisés qui vont s’épauler et s’entraider, se réjouir ensemble et voir la présence de l’autre comme un cadeau offert par la vie.

   J’ai pris beaucoup de plaisir à enfiler mon bleu et mes caoutchoucs pour lâcher les chiens avant de me recroqueviller dans les couvertures et regarder danser les flammes dans le poêle. 


éditions Le serpent à plumes - février 2011-

traduit du danois par Catherine Lise Dubost

 

Merci Mirontaine pour cette intimité partagée.

L'avis de Griotte.

 

 

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8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 19:21

sentiments.jpeg

     Miss Skeeter a du revoir à la baisse ses ambitions professionnelles et accepter de rédiger des conseils, pour l’entretien de la maison, dans le journal local. Une maison d’édition prestigieuse lui a promis de s’intéresser à sa prose lorsqu’elle trouvera un sujet original. Elle pense avoir trouvé la matière lorsqu’elle rencontre Aibileen, la domestique qui travaille chez son amie Elisabeth.

      Celle-ci accepte, dans le secret, de lui parler de sa condition de bonne noire aux services des blancs. Nous sommes alors en 1962 à Jackson, Mississippi, États-Unis.

 

     Voilà un livre dans lequel je me suis sentie bien dès les premières pages. Un livre confortable qui permet de s’étirer, de prendre ses aises. Il faut prévoir un peu plus de temps que d’habitude à sa lecture quotidienne car la séparation est difficile à chaque fois.

     Nous côtoyons trois femmes au caractère bien trempé: Albileen est noire et travaille chez Elisabeth ; elle s’occupe notamment de la petite fille négligée par sa mère, elle essaie de l'éduquer en posant les bases de la tolérance raciale. Minnie aussi a la peau noire et le verbe haut, elle vit avec un mari violent et une ribambelle d'enfants. Après plusieurs renvois elle embauche chez une patronne fantasque et marginale. Miss Skeeter  est née dans une famille blanche traditionnelle. Elle défend ses convictions avec fermeté allant jusqu'à sa mise au ban de la société féminine et bien pensante de Jackson.

     Un livre plein d’humour, de fraîcheur et d’enthousiasme. La ségrégation omniprésente n’est pas pesante grâce à la bonhomie des femmes noires.

     L’humilité, la patience, l’abnégation, la tendresse maternelle de ces femmes m’a émue.

        Kathryn Stockett rend hommage à toutes ces femmes noires qui malgré leur condition peu enviable de femme corvéable à merci ont gardé une grande dignité.

       Pour rester dans la logique de son histoire l'auteure se doit de parler de la bonne noire qui travaillait chez elle. Il s’agit donc d’une œuvre mi-auto bibliographique, mi-fiction. Ce livre est un projet qui lui tenait à cœur et même si elle avoue ne pas pouvoir en tant que blanche exprimer vraiment ce que ressentaient les noires , elle l’a fait en souvenir de Demetrie qui a laissé beaucoup de douceur et de tendresse dans ses souvenirs d’enfant.


éditions Jacqueline Chambon - septembre 2010 

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 11:38

 

le-sang-la-mer.jpeg

 

     Hérodiane, une jeune fille de 17 ans arrive, à la mort de ses parents, vivre à Port au Prince. Elle est accompagnée d’ Estevèl son frère aîné qui a juré à sa mère agonisante de prendre soin de sa petite sœur. Leur père, à la suite d’une horrible machination, s’est retrouvé privé de ses terres. C’est sans un sou en poche que les deux jeunes gens arrivent dans la grande ville. Ils louent un misérable logement sur les hauteurs de port au Prince le paradi et côtoient la pauvreté et la saleté au quotidien.

     Monsieur Wilson, peintre reconnu et ami d’ Estevèl va permettre à Hérodiane de s’inscrire dans une école et de continuer à s’adonner à ses passions : les livres, la lecture et l’écriture.

     Hérodiane va découvrir avec stupeur et colère la nature des liens qui unit les deux hommes. Elle fugue pour mettre de la distance entre son frère et elle, pour tenir la vérité trop choquante à l’écart. C’est dans cet état d’esprit, hagarde et bouleversée qu’elle rencontre Yvan, le riche mulâtre, qu’elle accueille comme le prince charmant de ses rêves.

 

     Gary Victor sculpte l’ébène précieux pour révéler le portrait sublime d’Hérodiane : une jeune fille belle et harmonieuse. Il y ajoute des blocs d’énergie, de résistance et d’intelligence afin qu’elle puisse supporter la misère des taudis, la noirceur des hommes.

    C’est dans les flots salés, dans les vagues dévastatrices et les coquillages blancs qu’il va édifier le personnage d’Esterèl, le grand frère protecteur et mystérieux.

     Ce livre m’a pris par la main et m’a fait voyager dans les ghettos de Port au Prince là où sévit l'extrême dénuement d'une frange de la population délaissée par les pouvoirs publics. Rapines, prostitution, boulots à la sauvette sont les seules clefs de leur survie. La poésie du récit, la beauté rayonnante d’Hérodiane et le surnaturel qui habite Estevèl « l’homme sirène » ont eu raison de mes réticences à embarquer à bord d'une histoire sombre, dramatique mais lumineuse.

 

éditions Vents d'ailleurs - septembre 2010 -

 

Merci Clara pour le merveilleux de ce roman.

L'avis d'Yv qui considère ce livre comme l'un des meilleurs de 2010.

Ce livre est en lice pour le prix du Télégramme.

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 10:44

malediction.jpeg

     La petite ville de Pluto dans le Nord Dakota se situe près d’une réserve d’indiens et c’est là que se côtoient les familles, Milk, Harp, Peace et Couts.

     Ces quatre familles ont leurs destins qui se croisent et se lient depuis ce jour maudit de 1911 où une famille entière, à l’exception d’un bébé, a été décimée. Trois indiens qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment sont pendus par des fermiers blancs.

 

 

      C’est dans les années 1960 que les descendants de ces familles vont prendre la parole pour éclairer cet évènement tragique  et tenter d’en extirper sa part d’ombre.

    Dans ce roman polyphonique, Evelina est la première à se livrer, elle est la petite fille de Mooshum qui a mystérieusement échappé à la pendaison. Ce grand-père est un homme haut en couleurs et dont les histoires édulcorées remplacent la télévision.

«  Il portait des vêtements de travail de chez Sears, avachis et usés jusqu’à la trame, une paire de godillots en piteux état, et une casquette en coutil, même à l’intérieur. Ses yeux brillaient au creux de fentes profondes taillées dans son visage. La pointe de son oreille gauche manquait, ce qui lui donnait un air de guingois. Il était voûté et desséché, avec ça et là des mèches de cheveux blancs lui tombant sur les oreilles et dans le cou. De temps en temps quand il parlait nous apercevions la sombre pagaille de ses dents. »

     Le juge Antone Bazil Coutts prend le relais de Evelina . Il  revient sur l’épopée de ses ancêtres, les pionniers de la ville de Pluto.

«  Les guides se repéraient à l’étoile polaire, et le groupe s’arrêtait, désorienté, lorsque toutes les deux- trois heures des brouillards givrants les environnaient. Quand les bœufs s’arrêtaient, les Buckendorf  tombaient des traîneaux comme si on leur avait tiré dessus, et s’endormaient dans la neige. »

« Quand je regarde la ville à présent, qui s’amenuise sans grâce, je pense qu’il est bien étrange que des vies aient été perdues pour qu’elle soit créée. »

      Se succèdent ainsi "à la barre" un certain nombre d'héritiers témoins de l'histoire individuelle ou collective.

    Tour à tour les pièces de cette grande fresque s’achoppent, se superposent pour s'acheminer vers la vérité. Le passé répond au présent dévoilant la culpabilité et la peur qui ferment les visages et soudent les membres de la communauté.


     Toute tentative pour parler du livre de Louise Erdrich ne peut être que réductrice tellement l’histoire est foisonnante et multicolore. Le poids de cette injustice portée par la petite ville de Pluto est magnifiquement mis en mots par l'auteure. Le difficile métissage qui gère les relations entre blancs et indiens est subtilement décrit. La polyphonie du roman nous fait faire parfois le grand écart entre les différentes voix. L'éclectisme du récit nous surprend et nous guide après moult détours vers la dernière voix, la dernière clef.

    


traduit de l'américain par Isabelle Reinharez

Albin Michel- août 2010 -


Merci Clara pour ce vol de colombes.

challenge petit bac


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