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1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 08:30

reparer-les-vivants.jpg     En surfant sur la vague Simon vit des moments inouïs de peur, de jouissance et d'excitation extrême; il est un orfèvre de la vague, il sait la choisir et l'appréhender pour atteindre des sensations vertigineuses et transcendantes. Il partage cette drogue dure avec ses potes Chris et Johan. De retour d'une session très matinale, la camionnette conduite par son ami Chris percute un poteau, Simon n'a pas de ceinture et cogne violemment dans le pare-brise. Il ne survivra pas à  l'accident.

      Ses parents, Marianne et Sean sont alors placés face à ce dilemme jamais envisagé: le don (ou refus du don) à la médecine, des organes de leur fils.

 

     Réparer les vivants est l'histoire d'un cœur, "la boîte noire" du corps: le muscle cardiaque qui permet la vie mais aussi le cœur, symbole de la vie affective et amoureuse. Le cœur de Simon est le personnage principal de cette histoire de transplantation. Le parcours de ce cœur, entre le donneur et le receveur, ressemble à une course-relais où tous les relayeurs (les parents, le personnel médical) œuvrent pour faciliter le passage du témoin afin qu'il arrive dans les meilleurs conditions jusqu'au receveur.

    Le privilège du lecteur est de connaître toute la chaîne tissée par ce cœur, du receveur au donneur; la fiction permet de lever l'anonymat qui est de mise, habituellement, dans les dons d'organes.

 

      C'est un livre aux multiples qualités. L'urgence de la transplantation donne du rythme, du souffle au texte, le cœur continue de battre entre les lignes. L'écriture de Maylis de Kerangall est créative et s'adapte sans cesse pour évoquer tour à tour la virtuosité des chevaucheurs de vague, la douleur crue et insoutenable des parents, la solennité lors de la demande de dons ou le jargon en usage entre techniciens de la greffe.

     Le lecteur fréquente les coulisses de l'hôpital, entre au bloc au moment de la transplantation des organes, là où s'écrit un moment de grand réalisme, un travail de haute précision et de finesse: le "pinceau du calligraphe japonais, (l') amortie du tennisman". Le lecteur pénètre aussi dans les vies privées, les réflexions intimes des parents de Simon, de l'infirmier coordonnateur, du chirurgien et c'est le dosage de cet équilibre entre réalité et fiction, entre documentaire et roman qui épate et mobilise.

     Réparer les vivants emporte le lecteur dans une course vitale avec toujours le souci de considérer, ménager, respecter, "réparer" les vivants!

 

 

Editions Verticales -février 2014-

 

 

     Une lecture commune proposée par le Blogoclub de Sylire et Lisa

blogoclub

      Un livre brillant et fascinant qui trouve logiquement sa place dans les pépites de Galéa.

challenge-nos pépites de l'année


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7 avril 2014 1 07 /04 /avril /2014 20:32

     Le suicide d’Alexandre, 50 ans, mathématicien génial et reconnu par ses pairs plonge sa femme, Jessica, et ses deux enfants dans un dédale de doutes et d'interrogations.

      En partant d'une photo familiale falsifiée, Jessica va découvrir l'imposture d'Alexandre et remonter le fil du secret et de la double vie de son époux.

 

      Jean-Guy Soumy nomme joliment les trois parties de son roman. La première est intitulée Les cailloux blancs en référence aux indices semés par Alexandre et qui vont asseoir la quête de Jessica. Elle découvre avec stupéfaction, sur des petits bouts de papier, des vers de Armand Robin, poète méconnu auquel elle a consacrée une étude approfondie et qui ne semblait inspirer qu'indifférence chez son mari.

      La tentation du silence, est l'envie ambivalente de Jessica, soutenue par son fils aîné, d'étouffer l'affaire, de brûler leurs trouvailles pour ne pas souffrir l'opprobre devant la communauté mathématicienne à laquelle appartenait le père et de laquelle dépend aussi le fils.

      La troisième partie, Il prenait dans ses mains les lapins apeurés n'est pas celle du dénouement car le livre n'en possède pas mais celle des explications et de l'apaisement retrouvé. Elle est surtout ce moment où l'auteur avec une grande sensibilité, met en scène le second fils du couple, Lewis , jeune autiste, dans sa quête identitaire.

 

     En début de lecture Le silence est assez convenu et se présente comme une histoire ordinaire, une vie parallèle qui se dévoile sans vraies surprises. Mais l'auteur est habile et ferre le lecteur en distillant le secret d'Alexandre dans un goutte à goutte lent et méthodique de révélations surprenantes. 


      La conception artistique des mathématiques est étonnante et singulière:

"- Ils (les professeurs) dispensaient des savoirs extérieurs à eux car ils ne les avaient jamais interrogés. Jamais conquis. Ils nous conviaient à la connaissance comme à la visite d'un château, tels des guides désabusés poussant des touristes pressés d'atteindre la sortie. Pour démontrer certains théorèmes, ils passaient en force, utilisaient des pinces-monseigneur alors que moi je pensais déjà que par une compréhension plus intime, plus amoureuse, il était possible de cueillir ces fruits plutôt que de les arracher. (...)

- Se priver du rêve, c'est tarir la source."


       Une quête identitaire passionnante construite à la perfection  par un professeur de mathématiques.

 

 

Editions Robert Laffont- janvier 2013-

 

       Ce roman fait partie de la sélection du Prix des lecteurs 2014 du télégramme


 

 


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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 20:30

 

en-avant-route.jpg      Une marche jubilatoire surtout pour le lecteur qui abandonne bien volontiers les ampoules aux pieds, les ronflements du voisin de dortoir et les chaussettes qui puent à l'auteure et à ses compagnons de randonnée

     Trois fois Alix de Saint-André descend sur le chemin de Compostelle. Son premier voyage débute à Saint Jean Pied de Port en été 2003. Elle ne s'est pas préparée à ce long périple  et est surprise que ce chemin ne soit pas une longue et lente méditation en solitaire! La deuxième fois elle rallie Saint Jacques de Compostelle en partant de la Corogne sur le chemin dit 'des anglais'. La troisième fois à l'automne 2007, elle fait, ce qu'on est tenté d'appeler, le vrai chemin car cette fois elle démarre des Pays de la Loire, le berceau familial.

"J'étais débarrassée de la peur de ne pas y arriver. Et de l'obsession d'arriver. 

Le suspense était ailleurs"

    

      On va la suivre sur des sentiers très triviaux où il est question de douches froides,  de l'organisation équilibrée du sac à dos, de l'apposition quotidienne du tampon de crédential (le carnet du pèlerin), du ravitaillement en sandwiches, bières et autres carburants et d'auberges aux portes fermées. Mais ce sont les rencontres, les échanges qui font le sel de ce défi personnel et lui donne son sens.

     Son premier voyage se fera sur fond d'irascibilité mêlée à de l'égoïsme. Elle aime autant qu'elle déteste Raquel la jeune femme qui chemine longtemps près d'elle puis en elle. C'est par culpabilité envers cette même Raquel qu'elle lui propose le second voyage, elle veut effacer la colère qui l'habite depuis sa première arrivée à St Jacques. Le troisième chemin sera celui de la maturité et de l'accomplissement.

     Pour le lecteur aussi, ce troisième voyage sera le plus riche, le plus passionnant. La marcheuse se dépouille, elle gagne en sobriété et s'affranchit de son individualisme. Sa marche, qui prend un caractère plus spirituel et religieux, est empreinte de sagesse et de  générosité.

     C'est pétillant, ironique, parfois grave, car Alix de Saint-André est rattrapée sur le chemin par des nouvelles accablantes qui concernent des proches ou par des souvenirs émouvants lorsqu'elle évoque son père décédé.

     Une grande complicité se crée entre l'auteure et le lecteur qui dépose son fardeau chaque soir avec autant d'impatience et de soulagement que la marcheuse.

 

Editions Gallimard/folio - juin 2011-


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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 07:25

Cinq femmes chinoises par Pelletier

Ciel dans l'eau, poisson dans les arbres

     Xiu nait en 1957 et est, très jeune, enrôlée dans une école de gymnastique. Les privations alimentaires, les étirements pour allonger son corps, la discipline quasi militaire de l'école lui forgent le corps et le caractère. Lorsque adulte, elle devra échapper à la violence et à l'ivresse de son mari les compétences acquises enfant l'aideront à conquérir son indépendance et à gagner sa vie.

Quand il n'y a plus d'arbres, il n'y a plus de singes

      Daxia, fille de Xiu, nait en 1979 près de Shangaï. Le fleuve mitoyen est son terrain de jeu, et devient son refuge quand la violence de son père et la peur de sa mère la dégoûtent. Adolescente elle montre des aptitudes pour le calcul et se passionne pour la façon "d'empiler des logements" , elle entreprend des études d'architecte. Elle s'enrichit en travaillant dans un prestigieux groupe immobilier à Pékin.

Dans la boue pousse la jolie fleur

      Mei nait en 1981. Elle est l'amie, "la petite larve", de Daxia. Elles sont toutes deux nostalgiques de la rivière de leur enfance mais se révèlent très différentes dans leurs priorités. La mode vestimentaire n'a pas de secret pour Mei qui souhaite en faire son métier. Elle deviendra l'amante de Fang, la patronne de Daxia.

Avec le temps, la feuille du mûrier devient de la soie

     Fang nait en 1960. Les morts violentes de son grand-père puis de ses parents vont marquer l'enfant puis la jeune femme qui mettra du temps avant de prendre sa destinée en main. L'héritage qu'elle perçoit au décès de son mari la propulse à la tête d'une entreprise immobilière.

Seuls les oiseaux chantent suspendus dans des cages

      Baoying nait en 1980. Enfant, elle se passionne pour la cuisine dans le restaurant que tient son père et note soigneusement les recettes. Elle espère prendre sa suite mais à la mort de son père, elle est chassée. La désolation et la misère deviennent son quotidien avant qu'elle ne rencontre Dewei, un ami de son père qui l'aidera à reprendre le restaurant familial. En épousant Dewei elle devient la belle-sœur de Fang.


     Ces cinq destins féminins sont liés entre eux par des liens familiaux, professionnels, d'amitié ou amoureux. Suivre ces femmes équivaut à remonter le fil des cinquante dernières années en Chine. En faisant fi de leur passé misérable et famélique elles saisissent l’opportunité de nouvelles règles économiques et s’érigent chefs d’entreprise.

     En écrivant une page sur la Chine et sur la femme chinoise moderne Chantal Pelletier sape nos références culturelles traditionnelles. Elle donne à voir un empire en pleine mutation économique, familiale et sociale.

     L'auteure écrit à toute vitesse comme si le destin de ces femmes ne pouvait s'embarrasser de détours, il faut rapidement se délester de ces enfances miteuses, mettre des œillères, ne pas regarder derrière soi, on risquerait un faux pas, un apitoiement mal venu qui freinerait les ambitions. A l'instar de ces femmes endurcies le lecteur se blinde pour ne pas souffrir d'un trop plein d'empathie.

     Un livre instructif pour faire évoluer nos poncifs sur ce pays. L'insensibilité que j'ai ressenti pendant la lecture est dûe au style de l'auteure et sert bien cette histoire très réaliste.

     A découvrir pour la femme et pour la Chine.

 

  Editions Joëlle Losfeld -mars 2013


  Lu pour le prix Cezam 2014, prix littéraire des comités d'entreprise.

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 21:59

 

      En ce début décembre Carole revient au village qui l’a vu naître et grandir dans le massif de la Vanoise. Elle y retrouve Gaby, sa jeune sœur et Philippe le grand frère qui n'ont pas quitté le Val-de-Seuls. Ils se sont donné rendez-vous pour attendre Curtil, le père qu’ils n’ont pas revu depuis l’enterrement de la mère il y a deux ans. Comme à chaque fois, ce vagabond annonce son retour par l’envoi d’une boule de neige, de celles que l’on retourne pour voir les 'flocons' tomber sur le décor naïf. Pas un mot, une lettre ou une carte juste cette boule et l’attente peut commencer.


      Dès les premières pages je me suis mise au diapason des journées de Carole. Elle a loué au village un petit gîte et emploie ses journées dans la traduction d'un livre de Christo, l'artiste emballeur, tout en gardant un œil sur les allers et venues du petit village et sur l'activité de la scierie attenante au gîte. Carole retrouve des visages connus et amis ou plus circonspects et agacés par sa présence.

       Pour les rencontrer il faut pousser la porte du bar à Franckie: ils sont tous là au réfectoire ou dans la salle de billard, près du juke-box ou accoudés au bar. Vous croiserez la môme, l'enfant adoptive de Gaby, Yvon, le neveu, l'œil collé à sa caméra, Diego penché sur son dernier puzzle de trois mille pièces et puis après la journée de travail arriveront les bûcherons, les routiers qui feront une halte dans la chaleur animée du bar, et puis vous apercevrez peut-être aussi Jean, l'ami d'enfance de Carole, avec qui elle renoue le lien distendu  par les années.

     L'attente du père oblige Carole à s'installer dans les habitudes du Val. Les souvenirs dramatiques de l'enfance resurgissent avec son flot de doutes et d'interrogations. Pour comprendre aujourd'hui ce qu'elle a occulté hier Carole interroge, écoute, observe.

      Il règne dans Une part de ciel une ambiance feutrée, un halo de mystère qui s'exprime dans les regards, les silences, les non-dits et qu'entretient la routine apaisante des journées au Val-de-Seuls.

      J'ai retrouvé ici ce qui m'avait séduit dans Les déferlantes: une symbiose et complicité totale avec le microcosme villageois, une douce affinité avec les personnages créés par l'auteur et cette impression inouïe de toucher des yeux une histoire écrite spécialement pour moi.

 

 

éditions Actes sud- septembre 2013

 

 

challenge-nos pépites de l'année

Une première contribution sonnante et trébuchante à verser au challenge 'pépites' de Galéa.



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23 octobre 2013 3 23 /10 /octobre /2013 11:00

 " Que vous aimiez Sylvain Tesson ou Serge Joncour , Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski ou Into the wild, Babelio vous invite toute l’année à découvrir des avis sur des livres ou des extraits d'oeuvres. en allant sur Babelio.com."


 

      Les fuyants sont quatre hommes d'une même famille, trois générations différentes. Quatre personnages qui s'accomplissent dans la fuite. Fuite de la vie pour David, le père, qui se suicide en avalant de l'insecticide. Fuite des responsabilités parentales pour Jacob, le grand-père qui s'éloigne de cent kilomètres du foyer conjugal. Fuite dans le sport ou dans les bras de jeunes étudiantes pour Simon,l'oncle.

      Le quatrième homme est Joseph, fils, petit-fils et neveu des précédents, pirate informatique mettant ses compétences au service des idées marxistes. Il est hanté par la disparition brutale et violente de son père.

 

     Ces hommes sont des perdants, des inadaptés de la vie conformiste qui ont le courage de leur lâcheté en refusant une existence qui ne leur convient pas. Difficile pour Joseph de trouver un sens à sa vie dans le modèle délité du masculin familial. En enquêtant et en compulsant les lettres trouvées il tente de contrer cette destinée, cette débandade qui touche les hommes de la famille.

     Arnaud Dudek a les phrases qui fusent. Des éclats, des giclements de mots qui font mouche et touchent le lecteur en empathie totale avec le malheur ordinaire de ces hommes. Les chapitres sont courts et pourraient presque se lire indépendamment à la façon d'un recueil de nouvelles.

    Une lecture pétillante qui se termine par une gerbe d'optimisme. On peut, en effet, faire confiance à Joseph, soutenu par son oncle, pour démanteler les zones obscures et remettre du lien dans cette famille qui en manque cruellement!

    


éditions Alma -avril 2013-


Merci à Babelio pour son opération Masse Critique.

 

masse-critique-dessin.png


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18 octobre 2013 5 18 /10 /octobre /2013 20:00

      Ajatashatru "(prononcez Achète un chat roux)" est un fakir Indien de passage dans la capitale française. Il prévoit d'acheter le lit spécial fakir pour lequel les habitants de son petit village se sont cotisés, puis de rentrer directement chez lui. Pour rallier l'aéroport au magasin de meubles il s’octroie les services d’un chauffeur de taxi Gustave Palourde. En le grugeant avec son faux billet de 100 euros Ajatashatru entame un cycle d'aventures extravagantes.

Heureusement

 Ajatashatru a la bonne idée de rester dormir chez Ikéa afin d'économiser les frais d'hôtel,

Malheureusement

  Les responsables du magasin le réveillent au milieu de la nuit,

Heureusement

Ajatashatru réussit à se cacher dans une armoire,

Malheureusement

L'armoire est ceinte de papier bulle et chargée à bord d'un camion,

Heureusement

Dans le camion, le fakir est délivré par les clandestins qui s'y cachent,

Malheureusement

Ils se font tous arrêter par la police et sont expédiés en Espagne,

Heureusement

C'est en avion qu'ils voyagent jusque Barcelone,

Malheureusement

Gustave Palourde, le taximan, le reconnait à l'aéroport,

Heureusement

  Le fakir réussit à se dissimuler dans une valise Vuitton,

Malheureusement

La valise repart aussitôt dans les soutes d'un autre avion,

Heureusement

La valise appartient à Sophie Morceaux, actrice très riche et généreuse qui prend Aja sous son aile...

 

Heureusement

J'ai passé un moment agréable avec Aja ("prononcez A jeun") ; c'est plein de fraîcheur et d'humour et ça fonctionne très bien dans les premières pages...

Malheureusement

J'ai moyennement goûté la suite du voyage avec trop de rocambolesque, trop de situations périlleuses réglées par un tour de magie de Ajatashatru (ne vous fatiguez plus à le prononcer!) ou une pirouette de l'auteur; la migration des clandestins est abordée de manière tellement anecdotique et simpliste que c'en est pitoyable. Certaines vannes, en surcharge pondérale, ne feront rire personne, même au comptoir du café du commerce!

 

Editions Le Dilettante -2ème trimestre 2013-


Je peux faire voyager ce livre, il peut aller où il veut, même en Roumanie - comme les employés de chez Gad- pour un aller simple!

L'avis de Philisine qui met aussi son fakir sur les routes.

 

  Lisez aussi:

  Heureusement de Rémy Charlipheureusement

Un classique de la littérature jeunesse, aux illustrations délicieusement désuètes, qui m'a inspirée pour rédiger mon billet.

 

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 18:00

     Le chapeau de Mitterrand est l'histoire d'un chapeau oublié sur la banquette d'une brasserie, par son célèbre propriétaire et qui passe de main en main (de tête en tête plus précisément), distillant à chaque fois les ondes positives qui vont changer le cours de la vie des nouveaux coiffés.

        Daniel, le premier emprunteur, va trouver confiance en lui, défendre ses convictions et gravir rapidement les échelons dans sa société. Fanny  trouvera le courage de dire non à son amant falot qui lui promet une rupture conjugale qui ne vient pas. Pierre retrouve le chemin olfactif nécessaire à son métier de créateur de parfums. Et Bernard secoue la poussière bourgeoise pour s'éclater dans la découverte artistique. Le chapeau continue de voyager et Daniel de le rechercher; il y aura des petites annonces et des courriers échangés pour tenter de retrouver ce beau feutre aux lettres d'or.

 

     Le chapeau de Mitterrand a des allures de conte randonnée. Le couvre-chef fait étape chez ces personnages, devient le témoin actif d'un tournant décisif et heureux puis repart, guidé par le hasard, aimanté par l'optique d'une nouvelle rencontre. La fin de l'histoire, en rupture avec cette répétition, est toute aussi réussie.

     La symbolique du chapeau, l'attribut du chef, est joliment détournée dans cette fable et le citoyen lambda en empruntant ce chapeau merveilleux devient chef de son propre destin.

     Ce chapeau envoûtant et fétichiste nous fait plonger dans les années Mitterrand. Les nostalgiques des eighties seront rassasiés: le droit de réponse de Michel Polac, les rencontres sur Minitel, les montres Kelton à quartz ou les esclandres à la Gainsbourg constituent le décor de ce roman très incisif!

       Un chapeau sensuel et consensuel, un roman séduisant qui a du punch.


éditions J'ai Lu -février 2013-

 

Retrouvez la couverture de l'édition brochée chez Comète, la tentatrice.

 


 

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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 14:00

 

      Quel enfant ou adolescent n'a un jour rêvé de faire son balluchon et de prendre la tangente loin de l'autorité familiale?

      Muette, 17 ans,  ne va pas seulement rêver sa fugue, elle quitte vraiment ses parents et se réfugie dans une grange, à une heure de marche du domicile familial. Elle a longuement mûri son projet et a prévu vivres et couchage pour plusieurs jours.

 

     Muette fuit l'indifférence, le rejet et l'hostilité de ses parents et peut-être aussi un évènement plus traumatisant qui ne nous sera pas dévoilé. Son mutisme, comme seule réponse à leurs petites phrases mesquines et odieuses, évolue logiquement vers cette escapade, Muette part respirer sa vie: "Elle a grand ouvert les portes de sa vie"

     Muette est bonne élève mais peu douée pour les relations avec ses pairs. Elle est incapable de faire confiance et elle fuit même la bienveillance de l'infirmière scolaire en qui elle aurait peut-être pu trouver une alliée, une confidente. Muette est une enfant sensible dont le cœur bat la chamade au spectacle désolant des guerres, des attentats, de toute la souffrance et la misère du monde. Muette est inadaptée au monde qui l'entoure, elle aimerait trouver un Eden inexploré, un lieu sauvage vierge de toute trace humaine.

      A aucun moment, l'auteur ne revient vers les parents, qui auraient pu donner des explications, éclaircir la situation. On s'accroche aux basques de l'ado, on suit les arcanes de sa pensée désordonnée. Comme si l'auteur voulait la protéger et lui donner une force qui l'aidera plus tard lorsqu'elle devra rentrer chez elle; car on le sait Muette ne pourra pas survivre dans sa grange délabrée. Elle a un autre rapport au temps et déjà la pleine conscience de l'importance de vivre et de jouir du moment présent.

     Muette est pleine de contradictions et cet aspect-là du personnage m'a dérangée, m'a empêchée de cerner vraiment les souhaits profonds de l'ado. Elle ne veut pas échanger avec ses pairs mais pense cependant à la tête que ferait un amoureux qui l'embrasserait après son repas d'ail des ours; Muette cherche à éviter le monde des hommes mais s'approche puis pénètre cependant dans la ville la plus proche...

      Cette nature qui colle si bien à la personnalité de Muette est faite de baies dans les buissons, de bains dans la rivière, de petits bruits feutrés, de craquements, de feulements et de crissements de la faune nocturne. J'ai retrouvé dans la nature de Muette ma complice d'enfant: les parties de cache-cache, les brûlures de l'eau glacée de la rivière, les lèvres violettes d'avoir trop goûté les mûres des ronciers et les genoux écorchés qui sont pour moi le symbole de mes jeunes années!

     Muette, à qui j'aurai donné moins de 17 ans, est attachante, rêveuse et suscite la bienveillance et l'émotion du lecteur.


     Muette est aussi chez Yv, chez Zazy, chez Nath, chez Mimi.

 

Editions Albin Michel - août 2013-

 

 

 


 

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19 septembre 2013 4 19 /09 /septembre /2013 08:00

la-nuit-tombee.jpeg

 

      Deux ans après la tragédie de Tchernobyl, Gouri, l’écrivain exilé à Kiev, enfourche sa vieille moto et entreprend un pèlerinage sur les lieux de la catastrophe. La raison de ce retour dans la zone désertée est affective: il souhaite ardemment rapporter, à sa fille malade, la porte de leur ancien logement, symbole de leur vie antérieure. Ce secteur à risques est surveillé et Gouri préfère attendre que ne tombe la nuit avant d'y pénétrer. Il profite de cette attente pour visiter ses amis restés sur zone...

 

     Le voyage de Gouri est grave et douloureux, ses rencontres disent l'ampleur des dégâts sur la santé des voisins de la centrale. Mais ce périple est aussi placé sous le signe de la solidarité et de l'amitié indéfectible. On ne juge pas Gouri qui a fui la zone dangereuse. Son ami, qui se meurt, lui donne l'occasion de les aider en lui demandant de rédiger une lettre d'amour et d'adieu.

     Antoine Choplin peint cet environnement fantomatique et malveillant par petites touches. Il fait confiance à ses personnages afin que, en dépit de l'hostilité du site, ceux-ci réussissent à mettre de la chaleur dans leurs retrouvailles autour d'une table et de bouteilles d'alcool. Ces hommes sont fatalistes, ils ne sont pas dans la révolte, ils souffrent sans plainte.

      Il faut s'immerger dans cette ambiance et imaginer le quotidien de cette humble population;on est dans la survie. La connivence, l'entraide sont au cœur des relations malgré la catastrophe. Une gageure de la part de l'auteur qui réussit à faire de cette couleur grise des cendres de Tchernobyl un roman éclairé par l'amitié .

 

     C'est un coup de cœur que j'ai eu pour cette fraternité entre Gouri et ce couple d'amis. Un roman qui frappe mais posément, sans théâtralité. Comme si cette catastrophe avait emporté avec elle le futile, le superficiel. La mise à nu révèle des liens forts, l'imminence de la mort oblige l'urgence de la confidence pour les amis en sursis. 

 

        Un roman nécessaire pour dénoncer la dangerosité du nucléaire sans slogans et sans pancartes. Parce que les nuages toxiques ne s'arrêteront pas à chaque fois à notre frontière!


éditions la fosse aux ours - 2012

 


 

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