Lectures et gourmandises.
Une marche jubilatoire surtout pour le lecteur qui abandonne bien volontiers les ampoules aux pieds, les ronflements du voisin de dortoir et les chaussettes qui puent à l'auteure et à ses compagnons de randonnée
Trois fois Alix de Saint-André descend sur le chemin de Compostelle. Son premier voyage débute à Saint Jean Pied de Port en été 2003. Elle ne s'est pas préparée à ce long périple et est surprise que ce chemin ne soit pas une longue et lente méditation en solitaire! La deuxième fois elle rallie Saint Jacques de Compostelle en partant de la Corogne sur le chemin dit 'des anglais'. La troisième fois à l'automne 2007, elle fait, ce qu'on est tenté d'appeler, le vrai chemin car cette fois elle démarre des Pays de la Loire, le berceau familial.
"J'étais débarrassée de la peur de ne pas y arriver. Et de l'obsession d'arriver.
Le suspense était ailleurs"
On va la suivre sur des sentiers très triviaux où il est question de douches froides, de l'organisation équilibrée du sac à dos, de l'apposition quotidienne du tampon de crédential (le carnet du pèlerin), du ravitaillement en sandwiches, bières et autres carburants et d'auberges aux portes fermées. Mais ce sont les rencontres, les échanges qui font le sel de ce défi personnel et lui donne son sens.
Son premier voyage se fera sur fond d'irascibilité mêlée à de l'égoïsme. Elle aime autant qu'elle déteste Raquel la jeune femme qui chemine longtemps près d'elle puis en elle. C'est par culpabilité envers cette même Raquel qu'elle lui propose le second voyage, elle veut effacer la colère qui l'habite depuis sa première arrivée à St Jacques. Le troisième chemin sera celui de la maturité et de l'accomplissement.
Pour le lecteur aussi, ce troisième voyage sera le plus riche, le plus passionnant. La marcheuse se dépouille, elle gagne en sobriété et s'affranchit de son individualisme. Sa marche, qui prend un caractère plus spirituel et religieux, est empreinte de sagesse et de générosité.
C'est pétillant, ironique, parfois grave, car Alix de Saint-André est rattrapée sur le chemin par des nouvelles accablantes qui concernent des proches ou par des souvenirs émouvants lorsqu'elle évoque son père décédé.
Une grande complicité se crée entre l'auteure et le lecteur qui dépose son fardeau chaque soir avec autant d'impatience et de soulagement que la marcheuse.
Editions Gallimard/folio - juin 2011-