« L’école, j’en ai rêvé l’autre nuit. Ce matin, il fait jour malgré le brouillard. La question de savoir ce que je vais mettre comme habits ne se pose plus. J’ai choisi de mettre mes baskets à scratch, je ne suis pas grand (un poil plus d’un mètre) mais je ne suis pas bête : pas besoin de renouer des lacets. Bon, je ne vais pas faire l’inventaire de mon vestiaire. J’ai juste fait une concession, histoire de ne pas froisser ma mère. J’ai mis le pull rayé rouge et noir qu’elle a tricoté avec amour. En prenant un temps fou. A quatre ans et des poussières on n’a pas la haine. Mais moi, j’ai la laine sur les épaules. Je ne suis pas un mouton, mais un p’tit garçon. En plus il fait chaud.
Ce matin je n’étais pas tout seul à me faire ce genre de réflexion. Les autres aussi devaient penser à ce que l’on nous oblige à porter. On a beau être haut comme trois pommes, on ne tient pas à avoir la honte. Très classe la rentrée des classes ! Enfin ! me voilà devant mon école, ma nouvelle maîtresse, mon préau, mon petit bureau, pas à côté du radiateur j’ai déjà un gros pull- non près de la fenêtre au cas où je souhaite voir ailleurs. Je regarde les autres. Tout ce petit monde sur son trente et un, et dans ses petits souliers. Les parents sont partis. Oh ! Ils ont longuement hésité, de peur que l’on ne pleure, nous ont couvé de bisous, malaxé dans leurs bras. Gentils. Mais aussi collants que le scratch de mes baskets. A ce soir.
Je ne suis pas parti de la maison, je vais à l’école. Pas de quoi dramatiser. Je fixe mes petits camarades. Avec qui vais-je me lier ? Faire les 400 coups avec le clan des sept de la moyenne section ou le club des cinq de la grande section ? Dans ma classe il y a aussi des filles.
On verra ça plus tard. La maîtresse a dû saisir un air rêveur glisser sur mon visage. Elle m’a parlé. L’école je vais sûrement en rêver encore cette nuit. Vivement demain. »
Alexis Le Bihan